La chaise grince. Artemis est obsedé par les grincements de cette chaise. Il ne peut pas se balancer dessus comme il le désire. Il est pratiquement certain que les surveillants ont fait exprès de lui donner cette chaise, pour qu'il arrête. Mais il est plus fort que ses grincements. Ils céderont avec lui, tout est une question de mental. La chambre est éteinte. Seule la petite lampe du garçon éclaire la pièce. Et à vrai dire, vu la tonne de livre qui traine sur son bureau, elle n'éclaire uniquement ce dernier. Les vieux parchemins forment un rempart entre la pièce et le bureau, un peu comme une cloison inpercable. D'ailleurs, Artemis a entendu dire dernièrement que certaines armures étaient faites en papier, il y a quelques siècles de cela. Avec une bonne couche, il semblerait que ce soit une bonne alternative. Le scientifique a beaucoup de mal à y croire. Il est vrai que lorsqu'on possède une plume, le papier est à la fois une arme de défense et d'attaque efficace. Mais c'est une figure de style, une métaphore... Un peu comme on dit que les mots sont comme des flèches que l'archer décoche avec efficacité. Il ne faut pas prendre l'expression au sérieux. Vous aurez l'air un peu ridicule sinon.

Artemis s'ennuie. Il a fini de travailler. Il se met donc à se dire que c'est une bonne idée de faire une pyramide avec ses livres. Puis de retirer celui du milieu pour voir s'il est suffisamment habile de ses mains pour ne pas faire tomber ceux d'au-dessus.
Il forme la pile. La porte de la chambre s'ouvre au moment où le p'tit génie tire violemment un des livres, ces derniers provoquant un bruit sourd en tombant sur le faux parquet. Il regarde les deux personnes entrant dans la chambre, puis les manuscrits, alternant rapidement les coups d'oeil.

Il se lève rapidement, manque de trébucher, et se gratte l'arrière du crâne, un peu gêné. Il se reprend rapidement, et prononce les mots suivants, avec la voix chargée d'ironie froide :

« Ce n'est pas moi, c'est le fantôme du musée !»

Le musée le plus proche doit se trouver à quelques kilomètres d'ici. Mais ce n'est qu'un détail ça. Et Arty est friand des excuses bidons que personne ne croit. Le surveillant soupire, puis gratte sa gorge :

« On a dû te prévenir de l'arrivée de Grenade dans ta chambre aujourd'hui. Grenade, je te présente Artemis. »

Notre vénusien s'attarde sur le coin censé être celui de Grenade. Il retient un rire moqueur, et lâche :

« Sérieusement, Watson, tirez moi votre meilleure enquête, j'avais l'air d'être au courant de son arrivé ici ? On a dû me le dire, mais j'ai oublié. J'aurais au moins fait l'effort de ramener mon bordel sous mon lit sinon. »

Le surveillant quitte la chambre avec un soupir.

« Bienvenu Grenade, dans ce somptueux palais qu'est la chambre 15 ! »