Combien de temps faudra-t-il avant qu’elle puisse écrire Emma à nouveau sur les papiers qu’elle rend ?
La rousse ne laisse pourtant rien paraitre de son questionnement mental sur son visage et se contente de ranger ses affaires après un dernier regard adressé à sa copie. 14/20. Une note somme toute normale pour les efforts qu’elle fournit. Ruby pourrait augmenter bien davantage ses notes si elle le souhaitait. Un peu plus d’effort et son classement pour l’heure un peu au-dessus de la moitié pourrait prendre une dizaine de place. Elle le sait pertinemment.
Pourtant, elle n’en a aucune envie.
Dans son petit sac s’accorde ses cahiers. L’heure de la fin des cours de la journée a sonné, sonnant celle du retour au dortoir et autres activités extérieures. Comme à son habitude, la jeune fille laisse son regard parcourir l’ensemble de la salle de classe pour analyser les réactions des autres pensionnaires à ses côtés face à une nouvelle copie. Et comme d’habitude, les réactions sont diverses. Certains sont heureux d’avoir marqué plus de points, espérant monter au classement, tandis que d’autres affichent leur déception de ne pas avoir obtenu les résultats espérés. De la colère à la tristesse, que des émotions que l’enfant déteste apercevoir sur le visage des autres. Ils devraient être en colère parce qu’on a fait du mal à ceux qu’ils aiment, ou être triste parce qu’ils ont perdu quelque chose qui leur est cher. Ils ne devraient ressentir tout ça pour une simple note.
Le classement détruit. Ruby détruira le classement.
Sac rangé, son regard s’arrête finalement sur un garçon de sa classe, a peu près de son âge. Cheveux bruns lâchés habituellement cachés sous sa casquette préférée, Angst n’a pas l’air bien. La rouquine ne le connait que peu, mais déjà plus que d’autres. C’est le meilleur ami de Nova, un garçon avec qui elle a lié une sorte de contact. Pas énorme, pas inexistant. Un contact que l’enfant ne peut ignorer alors qu’elle s’était promis de ne s’attacher à personne à Prisme. Pour n’avoir aucun remord le jour où elle accomplira sa vengeance doublée de sa fuite de cet endroit qu’elle déteste plus que tout. Qui l’empêche d’être avec ceux qu’elle aime.
Il ne lui en faut pas beaucoup plus pour deviner que la note qu’il a obtenu au test ne lui convient pas. Sans détourner les yeux, le garçon quitte la salle de classe, la mine fermée. Mais dans sa fuite, il ne remarque pas que sa casquette vient de tomber de son sac. Rapidement, la jeune fille la rattrape sous sa chaise avant de le suivre. Cet objet est trop précieux pour lui. Il s’en sert pour aider Nova avec sa prosopagnosie. Il ne peut pas le perdre. A pas rapide, Ruby enchaine les virages dans les couloirs. Elle a pourtant réagi vite, comment a-t-il fait pour partir si loin ?
Finalement, elle le repère, au détour d’un autre couloir avec un peu moins de monde. Accélérant encore davantage, l’enfant n’a aucun mal à le rattraper. « Angst attend ». Face à l’absence de réponse, elle s’approche encore davantage et lui attrape le bras pour stopper sa marche folle. Lorsqu’il tourne enfin la tête vers elle, Rubis reprend.
— Angst, tu as oublié ça dans la salle de classe. Je sais que c’est important pour toi, alors je voulais te la rendre.
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Angst
Sam 28 Nov - 17:18
Avec une appréhension grandissante, Angst observait le professeur leur rendre les résultats de leur dernier contrôle. A chaque nouvelle copie tirée de la pile, inconsciemment, le garçon retenait sa respiration. Il se souvenait parfaitement des conditions dans lesquelles il avait passé cette évaluation. Elle avait eu lieu la semaine précédente, en première heure de la journée – oh, à quelle point cette heure de classe était difficile d'ordinaire, et combien elle lui avait semblé insurmontable ce jour-là ! La veille, Angst avait fini par s'endormir sur les coups de 4h du matin. Il avait volontairement manqué le petit déjeuner, pour pouvoir dormir le plus longtemps possible ; il avait pris une douche plus froide que d'habitude dans l'espoir que cela l'aiderait à sortir de la brume – rien n'y avait fait. C'est avec l'esprit vaseux qu'il avait répondu, péniblement, aux questions : les dates lui échappaient, les personnages historiques se mélangeaient, les événements se troublaient. Il avait été l'un des premiers à rendre sa copie, partiellement remplie.
Il savait donc ce qui l'attendait. Il s'y était préparé. Mais cela n'atténua en rien le poids qui s'écrasa sur son estomac lorsque l'enseignant, avec un silence plus significatif que n'importe quel commentaire, posa sa copie sur sa table. 7/20.
Le reste lui échappa plus ou moins. Il avait dû entendre la sonnerie retentir, puisqu'il avait fourré ses affaires en vrac dans son sac et s'était levé pour quitter la classe, mais il était trop occupé à lutter contre le nœud qui lui serrait douloureusement la gorge pour prêter attention à ce qui l'entourait. Un couloir, puis un autre. Angst ne savait pas trop où il allait. Vers la bibliothèque, ou le dortoir ? Il aurait dû prendre le temps de féliciter Nova, au lieu de partir comme un voleur... Nova s'en fichait, des notes, Nova ne le jugeait jamais. Mais là, tout de suite, Angst était trop près de pleurer : il n'avait pas envie de la compassion de ses camarades, ni du réconfort de la bibliothèque ou de sa chambre. Il avait juste envie d'être absolument seul. Non, en fait ce dont il avait vraiment envie, c'était de casser quelque chose. Plus il marchait, plus il luttait contre les larmes, et plus son sentiment de colère grandissait – contre le prof et sa foutue évaluation, contre l'orphelinat et son stupide classement. Contre lui-même, surtout, d'être si faible face à ses peurs.
Une main lui attrapa le bras, le tira de ses pensées.
Une fillette de sa classe, essoufflée, tenait sa casquette à la main. Angst dévisagea Ruby, qui semblait comme sortie de nulle part. Elle lui avait visiblement couru après, dans le seul but de faire une bonne action. Une petite voix lui souffla qu'il devait la remercier, mais il s'en sentit incapable : il percevait l'intervention de Ruby comme une intrusion. Ne pouvait-elle arriver à un autre moment que celui-ci ? Non, il avait fallu qu'elle le poursuive et l'arrête précisément au moment où il avait le moins envie de parler à quelqu'un. Un étau enserrait sa poitrine comme une cage, à l'intérieur de laquelle la culpabilité, la colère et la rancœur se disputaient comme des corbeaux affamés. Il récupéra sa casquette sans un mot, sans un regard.
Il se souvenait du jour où son oncle la lui avait offerte. C'était peu de temps après l'enterrement de ses parents. Peu de temps avant les premiers fantômes.
« C'est censé être un porte-bonheur, marmonna-t-il avec amertume. Tu parles. »
Angst regardait la casquette bleue, froissée dans son poing serré. Comme il avait pu être naïf ! Il jeta l'objet aux pieds de Ruby.
« Tu peux la garder, j'm'en fiche. » lança-t-il avant de tourner les talons.
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Jeu 24 Déc - 12:01
Cette petite course n’avait en réalité pas tant épuisée Ruby que ça, habituée à des courses beaucoup plus longues lorsqu’elle s’entraine au parkour au sein de l’orphelinat. Mais, comme tout être humain, elle est bien obligée de reprendre sa respiration lorsqu’elle a enfin rattrapé Angst pour lui rendre sa casquette. Ce garçon est gentil, comme beaucoup de gens de sa classe. Mais il s’inquiète trop, beaucoup trop pour quelque chose qui ne mérite pas son attention. Toujours est-il qu’il a besoin de sa casquette. Emma a pris le dessus sur Ruby, au moins le temps de quelques minutes, afin de lui remettre cet objet si précieux.
Vivement, le garçon lui arrache des mains le précieux objet. Dans un premier temps, la rouquine ne lui en tient pas rigueur. Après tout, s’il vient juste de réaliser qu’il a failli perdre ce couvre-chef si précieux, il peut effectivement sous l’effet de la panique ne pas avoir mesuré sa force. C’est normal, et humain, surtout à nos âges. Nous restons des humains, même si parfois Prisme veut nous faire croire le contraire. Ruby capte tout juste les quelques mots prononcés par le garçon. Un porte-bonheur. Comme elle pour son collier autour du cou, il doit probablement s’agir d’un souvenir de son ancienne vie, de sa vie loin de cet orphelinat de malheur.
Face à cette déduction, l’ancienne Emma comprend encore moins le geste que le garçon vient d’avoir. Après avoir autant chéri cette casquette, tellement au point de la serrer avec tant de vigueur dans sa main, il la jette aux pieds de l’enfant avant de tourner les talons. La garder ? Pas question. Ruby ne veut pas de cette casquette. C’est Angst qui en a besoin. Vraiment. Après un léger temps de latence, la rouquine reprend sa course avant que son camarade de lui échappe de nouveau. Avec le même geste que précédemment, elle lui attrape le bras avec vigueur.
— Tu mens ! Tu ne t’en fiches pas !. La jeune fille toise du regard Angst, cette fois-ci devenue beaucoup plus ferme. Quelque chose est en train de lui échapper, mais elle n’en a que faire. Tu aimes cette casquette. Tu la chéris de tout ton cœur. Tu ne la quittes jamais. Comme moi je ne quitte jamais mon collier !
Malgré toutes ses facultés extraordinaires d’observation, la rouquine a bien du mal à savoir le fond de la pensée de son camarade, tellement son regard est envahi par la tristesse. Mais aussi peut être un peu par la peur ? La peur que lui inspire le classement ? Ruby serre les dents. Comment l’orphelinat peut-il ne pas comprendre à quel point le classement peut détruire des vies, a quel point il peut affecter les esprits ?
— Cette casquette, tu en as besoin pour Nova. C’est ton ami, et il a besoin de cette casquette pour vaincre sa prosopagnosie, ou tout du moins essayer de vivre avec. Je suis sûre que tu ne veux pas lui faire du mal.
En dit-elle peut être trop ? Forcément. Mais qu’importe, l’ancienne Emma n’arrive plus à s’arrêter face à toutes ces pensées qui l’assaillent. Toutes celles qui lui disent, une fois de plus, que Prisme est très loin d’être un paradis.
— Tu as besoin de cette casquette pour être toi, pour toujours être toi.
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Angst
Dim 17 Jan - 0:32
Angst fut brutalement stoppé dans sa lancée, par la même main qui lui attrapa le bras de nouveau, quoique plus vigoureusement.
« Lâche-moi ! » lança-t-il par réflexe, tout en se dégageant de l'emprise de Ruby pour lui faire face.
Mais déjà, la rouquine enchaînait : Tu mens ! Tu ne t’en fiches pas ! La fillette le toisait, inébranlable. Elle déversait son discours sans s'arrêter, et Angst ne pouvait que l'écouter, perplexe, outré : d'ordinaire, quand il s'énervait, il y avait peu de réactions en retour. Ses sentiments explosaient, on le punissait sans s'embarrasser d'explications ou de leçons, ou bien on l'ignorait et on laissait couler. Pourquoi Ruby lui faisait-elle la morale ? Pourquoi ne le laissait-elle pas tranquille ? Il ne demandait pas l'impossible, juste qu'on lui fiche la paix ! Angst serrait les poings, ses ongles gravant des croissants de lune au creux de ses paumes. Au fur et à mesure du laïus, parmi le chaos de ses nombreuses émotions, un sentiment prenait peu à peu le dessus sur tous les autres : une franche colère. Pire que tout, à présent, il avait quelqu'un vers qui la diriger.
Ce qui l'énervait plus que tout, c'était le fait que Ruby ait raison. Sur tous les points. Et qu'il le savait, sans vouloir le reconnaître à haute voix – jamais.
Oui, il chérissait cette casquette. Oui, elle faisait partie de lui. Elle lui rappelait sa vie d'avant et son oncle, qui n'avait su quoi faire de lui, de son deuil et de ses hallucinations, et qui poursuivait sa vie quelque part en Autriche, soulagé que Prisme prenne le relais. Oui, même énervé, même sur un coup de tête, il n'aurait pas dû penser à se débarrasser de ce soi-disant porte-bonheur, car oui, Nova avait besoin de cette casquette autant que lui.
Je suis sûre que tu ne veux pas lui faire du mal. Ces paroles avaient avaient crissé de la même façon qu'une craie sur un tableau, et raisonnaient encore désagréablement en lui. Le regard d'Angst se fit très sombre.
« C'est bon ? T'as fini de me faire la morale ? »
Il retourna sur ses pas, non sans un coup d'épaule au passage à l'attention de Ruby, pour ramasser la casquette qui traînait tristement au sol.
« Voilà. Contente ? » demanda-t-il d'un ton acerbe, tout en enfonçant rageusement l'objet dans son sac.
Il aurait dû s'arrêter là, partir aussitôt la casquette récupérée et garder sa mauvaise humeur pour lui. Mais le garçon avait la sensation d'un immense orage en lui, qui ne demandait qu'à exploser : d'autres paroles se bousculaient en lui, impossible à contenir. Une fois la porte entrouverte, comment empêcher la tempête de s'engouffrer ?
« Tu vas me foutre la paix maintenant, ou bien t'as d'autres choses à ajouter ? Oh je t'en prie, te gêne pas surtout. Tu sais tellement de choses, ce serait dommage de pas en faire profiter tout le monde. »
Comment osait-elle prétendre le connaître ? Comment pouvait-elle ne serait-ce que suggérer qu'il aurait pu faire du mal à Nova ? Le sarcasme dans sa voix se mua en agressivité brute :
« T'es prétentieuse de nature, Miss Je-sais-tout, ou bien c'est d'être mieux placée dans le classement qui te fait croire que t'as le droit de te mêler des affaires des autres ? »
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Mar 19 Jan - 14:19
A nouveau, la main de la jeune fille est repoussée avec force par son camarade.
Ruby est encore une enfant. Elle ne réalise pas toujours que les mots qui sortent de sa bouche peuvent faire mal à ce point. D’autant plus quand son interlocuteur est lui aussi un enfant.
La rouquine pouvait sentir la colère monter dans le petit corps d’Angst. Bien au-delà de ses yeux observateurs, c’est comme si tout son corps lui criait qu’elle en faisait trop, qu’elle poussait le brun à bout, et que cela n’allait pas bien se terminer. Mais l’ancienne Emma a besoin de vérité. Elle a besoin de la vérité pour avancer, pour croire en quelque chose. Elle ne supporte pas de vivre dans ce mensonge qu’a créé Prisme pour elle. Elle veut la vérité, elle veut sa vie d’avant. Mais elle ne sait rien d’Angst en réalité. Elle ne peut pas lui imposer ça.
— Non ce n’est …. Bien sûr que non Ruby, tu n’as pas voulu lui faire la morale. En tout cas, ce n’est pas comme ça que la jeune enfant l’a ressenti lorsqu’elle a parlé. Pour elle, la rouquine ne faisait que dire tout haut ce qui était bloqué dans le cœur des autres. Il n’y avait aucune intension moralisatrice dans sa voix. Ou en tout cas, elle ne l’a pas ressenti ainsi. Le garçon finit tout de même par ramasser la casquette, l’objet précieux pour lequel la jeune fille vient de se battre bec et ongle. Un sourire meurt sur ses lèvres. Ses mots l’ont tout de même touché, il a tout de même compris ce que l’enfant voulait dire. L’importance de cet objet est trop grande pour être balancé par terre. Il est le signe d’une ancienne vie aujourd’hui loin, mais surtout un allié de taille pour son amitié avec Nova. Ce garçon que l’ancienne Emma apprécie également.
Alors qu’un murmure acquiesçant allait s’échapper de ses lèvres, le cœur de Ruby loupe un battement lorsque le ton monte de nouveau. Pourquoi les mots qui sortent de la bouche d’Angst s’ancre dans son cœur comme un puissant venin ? A chaque mot, le corps de l’enfant se pétrifie un peu plus. En essayant de maintenir son expression la plus neutre possible, elle sent ses muscles se crisper un à un, piégée par la terreur que lui inspire le rejet violent de son camarade de classe. Il est en train de la faire passer pour quelqu’un qu’elle n’est pas, pour quelqu’un de mauvais. Mais Ruby n’est pas mauvaise. On lui aurait dit avant, si elle était mauvaise. Cette ironie malfaisante dans sa voix à le don de la faire paniquer, là où elle doit rester de marbre pour résister.
Mais son corps vacille, fait un pas en arrière, lorsque le brun s’arrête enfin. Alors c’était ça, tout ça pour ça ? Pour le classement ? Parce qu’elle a quelques places de plus au-dessus ? Encore et toujours ce terrible classement. Comme une épée de Damoclès qui s’écroule à tout instant pour lui rappeler la dure réalité. Il ne pourra jamais y avoir de bons camarades, d’amitiés, de partage, tant qu’elle sera là. Tant qu’elle menacera la tête de tous ces enfants. Les yeux de l’ancienne Emma s’écarquillent, ses lèvres s’entrouvrent, tremblantes, avant de finalement s’écrier.
— Mais il n’a jamais été question de ça ! Pourquoi tout ramener à ce maudit classement ! Je hais ce classement ! Je te le hais, je le hais, je le hais ! Moi je voulais juste t’aider, je voulais juste te ramener ta casquette !
La rage au ventre, l’enfant contourne le jeune garçon et s’élance à pas rapides dans le couloir. Elle doit s’en aller. Elle doit prendre l’air. Elle doit sortir d’ici au plus vite pour ne pas exploser. Sans réaliser qu’elle se dirige en fait vers le sous-sol.
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Angst
Sam 20 Fév - 19:11
La violence avec laquelle Ruby répondit à ses sarcasmes ne fit qu'attiser sa colère. Angst était face à quelqu'un qui lui renvoyait ses cris, quelqu'un contre qui sa rage pouvait se fracasser de plein fouet, comme une vague qui ne craint pas le rocher sur laquelle elle s'écrase. A leurs âges, tendre l'autre joue, c'était de la connerie. Répondre à la violence par la violence, c'était bien plus parlant.
Mais déjà, Ruby avait tourné les talons. Où partait-elle ? Angst n'en avait pas fini, lui. Sa colère allait croissant – il lui semblait désormais que cette colère ne ferait que gonfler et gonfler, encore et toujours, et qu'elle ne retomberait plus jamais. Il réglerait d'abord ses comptes avec Ruby, ensuite avec tous les autres, et même avec le bâtiment : il fracasserait chaque meuble, briserait chaque fenêtre et arracherait chacune des planches du parquet jusqu'à ce qu'il ne reste plus qu'un tas de gravats en guise d'orphelinat. Ensuite, il s'en prendrait au reste du monde.
« Et moi je t'avais rien demandé ! Je voulais juste qu'on me foute la paix ! Et toi... toi tu viens dire tes trucs là, comme si t'en avais le droit, comme si... »
Il butait sur les mots, se perdait dans son discours, dans ses reproches – que reprochait-il exactement à Ruby, d'ailleurs ? – mais les gestes, eux, étaient trop mécaniques pour que les sentiments les rendent confus également : tout en criant, il suivait la fillette d'un pas rapide. Il ignorait jusqu'où il la suivrait, ni à quoi cela pourrait bien lui servir de la rattraper, au fond, mais il la suivait tout de même.
Elle filait comme le vent, alors Angst l'interpella, parce qu'il était hors de question qu'elle l'ignore. Il n'avait plus aucune conscience de lui, il n'était plus qu'une émotion. La rage l'envahissait, le remplissait tout entier, et le garçon se fondait en elle : Angst était tout juste sous la surface. Amadeus, quant à lui, avait disparu dans les profondeurs.
« Hé ! Où tu vas ? s'acharna-t-il. On a pas fini ! Ruby ! »
Elle n'avait pas le droit de partir comme ça. De le laisser seul avec sa colère. Il pressa le pas, et cette fois, ce fut lui qui attrapa le poignet de Ruby.
« ARRÊTE DE M'IGNORER ! » hurla-t-il.
Tout se passa alors très vite. Angst avisa confusément une porte entrouverte, juste à côté d'eux. Il la franchit et dévala les quelques marches qui menaient à la cave, entraînant Ruby avec une force que sa colère décuplait. Là, il la poussa à l'intérieur de la cave obscure. La porte trembla dans ses gonds lorsqu'il la claqua, si fort que de la poussière du plafond bas et effrité lui dégringola sur la tête, dans les yeux. Il pesta un juron, assorti d'un coup de pied dans la porte et s'appuya de tout son poids contre elle pour la maintenir bloquée.
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Mar 23 Fév - 22:51
La jeune fille est en colère. Et pour cause, encore une fois, Prisme lui prend quelque chose. Comme si la simplicité d’une amitié entre enfant, le geste si innocent de ramasser une casquette pour la rendre à son camarade de classe ne pouvait pas avoir un sens normal. Comme si finalement, tout était une question de compétition, de rivalité, de classement. Alors que l’ancienne Emma n’a pensé qu’à aider un autre enfant un peu perdu, lui y a vu une attaque, une riposte d’une autre élève mieux classée que lui, de seulement quelques points. Ruby sert les dents. Cet orphelinat de malheur lui prend tout.
L’enfant tourne les talents et laisse Angst seul dans le couloir. Elle ne sait plus quoi lui dire, elle manque de mots gentils. La rouquine pourrait crier, balancer des répliques dont elle seule a le secret. Mais elle a vite compris que ce ne serait pas la solution, que le petit brun se décomposerait encore un peu plus jusqu’à bouillonner de peur et de rage. Et ça, l’ancienne Emma ne le veut pas. Parce qu’elle n’est pas méchante. Elle ne veut pas faire ça consciemment à d’autres enfants comme elle.
Mais Angst n’en a visiblement pas fini avec Ruby. Alors qu’elle était persuadée qu’il serait bien arrangé face à la fin de cette discussion, il la poursuit dans le couloir en criant, sous le regard intrigué de ses petits camarades. La rouquine accélère le pas, persuadée qu’elle ne tira rien de bon de la suite d’une telle conversation, démarrée sur ce ton. Tout ce qu’ils vont réussir à faire, c’est crier leurs émotions. Des émotions brutes qui ne prennent pas encore les bonnes formes dans leur corps d’enfant. L’ancienne Emma parvient encore à se contenir, mais ce n’est plus le cas du brun à la casquette qui la poursuit sans ménagement.
Finalement, il attrape le poignet de Ruby, l’obligeant à se tourner vers lui. Il a la rage, et la rouquine ne sait pas bien comment faire pour s’en débarrasser. Doit-elle crier à son tour pour qu’il la lâche ? Doit-elle faire appel à d’autres élèves pour calmer le jeune garçon complètement désorienté ? Elle pourrait faire tout ça, mais la bonne solution ne lui vient pas assez vite. Tout se passe beaucoup trop vite pour que l’orpheline réagisse correctement. La seule chose qu’elle parvient à comprendre, c’est qu’Angst l’entraine à sa suite dans l’une des caves de Prisme, profitant d’une porte ouverte et surement à l’abri des regards indiscrets des autres élèves intrigués par la scène, bien que n’ayant pas beaucoup réagi à la dispute entre les deux enfants.
Sans que Ruby ne s’y attende, Angst la jette littéralement dans la cage. Heureusement habituée aux chutes grâce à sa pratique du Parkour, la rouquine sait où se protéger en priorité pour ne pas être blessée. Bras autour de la tête, corps tendu à l’extrême, l’ancienne Emma a minimisé à les dégats de la chute dans les quelques marches d’escalier mais sait qu’elle aura surement quelques bleus dans peu de temps. Encore choquée, l’enfant se redresse sur ses bras et hurle.
— Non mais ça va pas, tu aurais pu me faire vraiment mal ! T’as de la chance que je sache me protéger !
L’enfant est en colère. Forcément, cela va beaucoup trop loin. Tout ça part d’une histoire de casquette. De casquette ! Ça lui apprendra à essayer de s’intégrer avec ses petits camarades. Elle s’abstiendra la prochaine fois de toute tentative. Mais d’un seul coup, l’atmosphère a changé. La pièce est beaucoup plus sombre que le couloir qu’ils ont quitté, seulement éclairée par un très fin filet de lumière passant sous la porte de la cave. Mais surtout, son pseudo agresseur semble étrange.
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Angst
Mar 16 Mar - 21:46
Mais qu'est-ce qu'il était en train de foutre ? Angst s'était stoppé net, encore appuyé contre la porte. Il venait d'observer Ruby se redresser vivement sur ses bras, après un impressionnant roulé-boulé. La chute avait surpris le garçon. Même dans le noir, il avait pu en distinguer l'ampleur. Il n'avait pas voulu... Il n'avait pas imaginé qu'il la ferait tomber... Il voulait juste... Qu'avait-il eu exactement en tête ? C'était comme si son geste l'avait réveillé soudainement. Ruby lui envoya une réplique cinglante, qui fut comme une deuxième douche froide. Ruby avait raison. Elle aurait pu se blesser. Elle aurait pu ne pas se relever. Tout ça pourquoi ? Parce qu'il avait laissé la colère l'emporter ? Et pour quelle raison, exactement ? Parce qu'il n'avait pas supporté l'intervention de Ruby au moment où il n'allait pas bien. Parce qu'il n'avait pas su accepter son aide. Parce qu'il n'était même pas capable de faire preuve de discernement et qu'il laissait ses émotions le mener à la baguette. Son propre comportement l'effrayait.
« Je... je ne... »
Je ne voulais pas, ni te faire tomber ni te faire mal ni te faire peur, je n'aurais pas dû t'emmener ici, je ne sais même pas pourquoi je l'ai fait, en fait peut-être bien que je voulais te faire du mal, au fond, je crois que je t'en voulais autant que je m'en veux, c'était horrible de me défouler sur toi de la sorte, je suis désolé, tout est de ma faute, tout est toujours de ma faute – les mots se bousculaient tellement dans sa tête qu'il ignorait par quel bout commencer. Une grosse boule se formait à présent dans sa gorge, ce qui n'était pas pour l'aider. Dans son crâne raisonnait le bruit mat qu'avait fait le corps de Ruby contre le sol, et il revoyait encore et encore sa silhouette chuter, dans l'obscurité.
Mais soudain Ruby ne fut plus seule devant lui.
Angst pâlit. L'air se glaça autour de lui, et ses poumons s'atrophièrent. Son regard s'était fixé sur un coin de la pièce. Une silhouette, tapie dans les ombres.
On est en pleine journée, pensa le garçon au désespoir. Il n'y a pas de fantôme, la journée. Mais il n'avait jamais vérifié la cave. Et dans ce lieu clos et sans fenêtre, sentant la pierre froide et la poussière, quelle importance qu'il fasse jour ou nuit à l'extérieur ? Un tombeau n'aurait pas été plus obscure.
« Ruby » appela-t-il tout bas. « Derrière toi. »
Sa voix était éraillée, il aurait voulu pouvoir toussoter pour l'éclaircir mais il en était hors de question, car plus que tout il craignait que l'autre ne l'entende. Aussi, seul un murmure étranglé sortit de sa gorge :
« Tu le vois ? »
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Jeu 25 Mar - 11:54
La rouquine frotte ses bras l’un contre l’autre tant bien que mal poyur limiter l’apparition de bleue sur sa peau pâle. La chute a été un peu rude mais fort heureusement sa tête n’a strictement rien. L’une des premières choses qu’elle a appris en faisant du parkour c’est de savoir protéger sa tête contre les chocs, puis les points d’appuis pour compenser sur des zones qui peuvent mieux encaisser les chocs. Résultat, cette sublime chute qui aurait pu lui valoir une comotion va simplement lui permettre de ramener quelques bleus dans la chambre qu’elle partage avec Zen.
Mais ce n’est pas pour autant que l’enfant peut excuser le comportement d’Angst. Ce qu’il a fait est très dangereux et Ruby lui fait savoir. Il aurait pu gravement blesser quelqu’un de moins expérimenté qu’elle, alors qu’est-ce qui lui a pris. L’enfant s’apprêtait à en rajouter une couche mais les mots se sont éteints avant de passer la barrière de ses lèvres. Le visage du garçon s’est littéralement décomposé. Elle ne voit pas très bien, peu aidée par la visibilité limitée dans l’obscurité de la cave, mais l’ancienne Emma comprend bien vite que quelque chose cloche dans le comportement du châtain. Il a l’air terrorisé et elle ne comprend pas pourquoi. Lui qui il y a encore deux minutes lui hurlaient dessus avant de la jeter dans un escalier n’a pas pu sans raison switcher aussi brutalement.
Lorsque l’enfant finit par baragouiner quelques mots, Ruby reste d’abord surprise. Derrière elle, que doit-elle voir ? La rouquine tourne la tête un instant mais ne voit rien de particulier à part le mobilier habituel d’une cave. Qu’est-ce qui terrifie à ce point Angst ? L’enfant réfléchit un instant avant de se rappeler ce qu’elle a pu noter sur son cahier il y a quelques temps. « Vois des fantômes ? Maladie ? psychose ? ». Les informations sont très floues mais c’est tout ce qu’elle a pu rassembler de loin. Le garçon aurait déjà manifesté le fait qu’il voyait des fantômes. Si Ruby n’est pas réfractaire a leur possible existence, elle n’est pas sure qu’il soit possible de les voir ainsi.
Seulement, elle a bien conscience que là tout de suite, nier en bloc n’aurait aucun intérêt si ce n’est paniquer encore plus Angst. Réfléchissant à la meilleure attitude, la jeune fille finit par s’avancer très doucement en direction du brun pour m’habituer à sa présence puis lui murmurer.
— Non je ne vois pas, mais toi dis moi ce que tu vois
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Angst
Sam 3 Avr - 21:21
La silhouette sembla grimacer un sourire. Ses dents brillèrent d'un étrange éclat dans le noir.
Mais seul Angst le vit.
Ruby ne voyait pas l'autre. Évidemment, qu'elle ne voyait pas. Les gens sensés ne voient pas de fantômes.
Pourquoi même avait-il posé cette question ? Il savait qu'elle n'allait pas lui répondre positivement. Néanmoins, un coin de son esprit qui n'était pas accaparé par le fantôme fut surpris par la demande de sa camarade. Lui dire ce qu'il voyait ? Angst n'avait jamais décrit ses fantômes à d'autres personnes de son âge. Il consignait tout dans son journal intime, gardant son inventaire pour lui seul – et pour Red, à la limite, qui se montrait toujours curieux et sans jugement. (Mais lui, c'était normal, c'était son boulot d'être patient et compréhensif quand un gamin venait lui parler de ses hallucinations.) S'il décrivait le fantôme à Ruby, à ses yeux, il ne serait plus qu'un cinglé. Ou pire : un menteur. Il avait déjà dû descendre bien bas dans son estime aujourd'hui... pas besoin d'en rajouter une couche.
Il songea brièvement qu'il ne devait pas dire la vérité. Dans une toute autre situation, s'il n'avait pas été paralysé par la peur, il aurait éludé la question d'un « Rien, je me suis trompé » ou « Je crois que j'ai vu un rat, c'est tout » ou n'importe quel autre mensonge pour se sortir de là et éviter d'aborder le sujet. Mais à l'heure actuelle, Angst était tout entier à sa peur, soit dans l'incapacité totale d'élaborer un mensonge quelconque, même facile. Les yeux rivés sur le fantôme, il n'arrivait même pas à penser à fuir la cave et son occupant grimaçant. Sa bouche se mit en marche toute seule.
« C'est plus... comme une ombre, dans le coin. » chuchota-t-il. « Il est un peu plus grand que nous. Je vois ses yeux et ses dents qui luisent. On dirait qu'il sourit, mais je ne suis pas sûr. »
Il n'avait encore jamais vu de fantôme sourire. Ceci dit, jusqu'à maintenant, chaque fantôme avait toujours eu ses particularités propres. L'écran cotonneux qui obstruait ses pensées sembla se dissiper légèrement au fur et à mesure qu'il parlait ; il eut l'impression de respirer un peu mieux. Curieusement, décrire ce qui l'effrayait tant lui éclaircissait l'esprit. Comme lorsqu'il remplissait son journal : ses émotions s'apaisaient peu à peu, tandis qu'il s'efforçait de retranscrire fidèlement ce qu'il voyait, presque scientifiquement. Ses lèvres étaient sèches. Il passa brièvement sa langue dessus.
« Il a de longs doigts. » poursuivit-il. « Et pour l'instant, comme tous les autres, il ne bouge pas. »
Pour l'instant, susurra son esprit. A moins qu'il ne soit comme l'Entité.
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Mer 21 Avr - 21:11
Difficile pour Ruby de se mettre parfaitement à la place d’Angst à cet instant.
Elle ne voit pas les fantômes.
En réalité, la rouquine n’est pas bien sûre de leur existence. Cela reste un concept un peu particulier pour elle, incapable de dire véritablement si elle croit en l’existence des esprits ou non. Probablement parce que les deux réponses l’effraient. Alors, elle préfère éluder la question, laissant le soin à d’autres de s’y intéresser. Il y en a plusieurs des comme ça, à Prisme. Des orphelins qui cherchent à étudier les phénomènes paranormaux. Ils n’ont pas tous les mêmes angles d’approche, mais tendent vers le même objectif. Trouver des réponses.
Seulement, Angst a plutôt l’air de subir.
Toujours avec douceur, l’enfant attend que son comparse lui réponse en s’approchant de lui. Son visage est tordu par la peur, cela se voit autant que cela se sent, et ce malgré la pénombre qui les englobent tous les deux. Dans cette situation, de peur de ne pas avoir les bons mots, encore, l’ancienne Emma préfère passer par le toucher. Avec délicatesse, elle dépose ses doigts d’enfants sur le bras du garçon à la casquette pour le rassurer, pour le convaincre que sa présence était réelle, et surtout de son côté.
Quand il finit enfin par s’exprimer, il répond le plus calmement possible à la question de Ruby. Une silhouette sombre, un peu plus grand qu’eux deux, avec des dents et des yeux luisants. Rien de rassurant. Mais le châtain évoque un sourire. Terre à terre, le forçant à se concentrer sur quelque chose, elle continue de lui poser des questions.
— Ce sourire, il a l’air menaçant, ou plutôt sincère ?
Curieuse, l’ancienne Emma ne peut s’empêcher de jeter un rapide coup d’œil pour constater qu’effectivement, et ce malgré la description faite par Angst, elle ne voit toujours rien. Pas d’ombre ni de fantôme à l’horizon. Mais dans le regard de l’orphelin, elle y lit tout un tas de chose, mais une principale : il ne lui ment pas. Il est persuadé que ce qu’il voit est là. Alors inutile de le casser. Il faut plutôt chercher à le comprendre, sans mensonges. Ses quelques nouveaux mots confirment les observations passées de la rouquine. Angst n’en est pas à son coup d’essai s’agissant des fantômes. Plusieurs hypothèses s’offrent à l’enfant, qu’elle expose à son camarade.
— Que veux-tu que l’on fasse ? Est-ce que tu veux que l’on sorte de la pièce ? Ou plutôt que j’aille vers le fantôme pour essayer de le faire partir, ou bien discuter avec lui ? Même si je ne le vois pas, j’imagine qu’il me voit lui ? Qu’elle est la meilleure solution ?