Comme un parfum de liberté coulait dans les couloirs de l'orphelinat ; une envie de rire assumée, des gestes calculés et une saveur de vérité.

Depuis qu'elle avait découvert l'affaire, Antigone se fascinait pour le cas Autumn. Oh, ce n'était pas vraiment pour la Justice et l'orphelinat, surtout pour le frisson et le goût de l'enquête. Voir un tel mystère être dénoué était à proprement dire fascinant et Antigone reprenait le contact avec la réalité. Le goût de vivre.

Alors qu'il avait neigé quelques semaines auparavant, plu le restant des jours précédents, le temps s'était un peu calmé. On sentait une légère brise qui venait de l'est et faisait un petit peu plier les arbres fragiles quand ils étaient en cours de sport. Enfin c'était la seule chose qu'elle remarquait, plus concentrée qu'elle l'était sur les égarements de la nature, sur ses doigts qui gelait et sur les sweat shirts des uns et des autres – elle aimait beaucoup le nouveau pullover de Moon, elle le trouvait très joli.

Antigone allait mieux, ces derniers temps. C'était sûrement un mélange de cette discussion avec Nurse additionnée à ses petites enquêtes avec Ruby et Away, c'était probable. Avoir pour une fois de vrais camarades dans une autre classe, ça lui avait fait du bien. Antigone se mettait à croire qu'elle pouvait faire quelque chose, qu'elle pouvait agir, qu'elle pouvait vivre.

Elle semblait s'éveiller comme s'éveille le printemps après un douloureux hiver, ses premiers bourgeons croissaient, elle voulait déplier ses ailes et s'envoler. Pour la première fois depuis des mois, elle avait souri sans se forcer à un de ses camarades, pour la première fois, elle n'avait pas oublié les chouchous de Georges et s'était volontairement attaché les cheveux pour aller en cours.

Comme ça, alors qu'ils étaient attachés, elle n'était pas Antigone, elle restait un peu Anja. Elle se demandait avec un petit soubresaut au niveau du cœur si elle ne croiserait pas Billy si elle se baladait dans les couloirs de l'orphelinat. Et, il fallait l'avouer, l'idée de croiser par hasard le blond la faisait rougir. Un petit peu. Un rayon de soleil avait réussi à percer les nuages et malgré le froid toujours mordant, on voyait quelques gamins ci et là courir dehors. Un sourire adoucit le visage d'Antigone tandis qu'elle posa les yeux vers ce paysage, puis poussa la porte pour sortir.

En effet, il faisait froid.

Le mot n'était pas juste, il caillait. Elle rentra pour aller « emprunter » un bonnet dans un des tiroirs de l'entrée ainsi qu'une grosse écharpe, puis s'aventura de nouveau à l'extérieur.

L'orphelinat était si silencieux, mis à part ces trois loulous qui jouaient à se poursuivre qu'on aurait pu croire ses pensionnaires endormis. Ou plutôt, actuellement en train de plancher sur un quelconque devoir, ou sur leurs cours respectifs.

Pour la première fois de sa vie, Antigone les séchait, ces cours. Il s'agissait d'une de ses spécialités, un obscur cours de russe qu'elle n'avait aucune envie de suivre. Respirer, ça, oui, elle le voulait, mais se retrouver dans cette salle, à parler cette langue, aucune envie.

La jeune polonaise écarta ses bras et se présenta au monde. Elle inspira une grosse bouffée d'air et...

Constata que ça n'avait pas l'odeur de l'air. Ni celle de la campagne, d'ailleurs. Il s'y mêlait des arômes assurément plus chimiques, comme une odeur de goudron et de tabac. L'odeur la mena quelques mètres plus loin, vers un buisson, vers lequel elle s'agenouilla.

« ...Tu es qui ? », dit-elle avant de voir qui s'était caché là.