Le coup de sifflet sonne le rassemblement. Ce matin, c’est aux cinquièmes années de repousser les limites du corps. Ce matin, ils sont ceux qui profitent des extérieurs à l’occasion d’un cours avec Eden. Castor plonge ses mains dans les poches de sa doudoune, le gamin n’est pas réchauffé et n’a qu’une hâte, commencer à courir. Il parcourt des yeux le terrain de sport à la recherche de son camarade classe. Artemis semble déjà regretté sa présence en ce lieu, comme souvent, comme toujours. Artemis semble vouloir être partout ailleurs que sur ce terrain froid. Et le sale gosse court pour le rejoindre, il court pour se réchauffer le corps. Ou peut-être pour abandonner au plus vite cette solitude inhabituelle.
▬ Tu es prêt pour l’échauffement Arty ? Sa voix dégouline de motivation. Le coach improvisé lui adresse un énorme sourire. Incapable de tenir en place, incapable de considérer l’idée même d’immobilité. Castor commence déjà à courir sur place. On va commencer doucement, je te rassure. Les échauffements sont importants, aujourd’hui plus que jamais.
Il n’est que sérénité. En ce début du mois du ramadan, il délaisse les disputes, il oublie les sentiments douloureux qui martyrisent son cœur. En ce début de mois sacré, il se concentre sur lui et sur sa foi. Et il en a plus que jamais besoin.
La chevelure flamboyante de son meilleur ami attire son attention. De l’autre côté du terrain, la vision de Thorn seul lui brise le cœur et Castor tourne la tête rapidement. L’image lui brûle les yeux, et il n’a aucune envie de penser à lui, à ces messages qu’il ne mérite pas mais qu’il a reçu quand même. À ce cœur qui se serre, ce cœur qui panique face à la douleur transformée en colère constante qui détruit son ami. En ce début de mois sacré, il n’y pensera pas, car si Thorn a une once d’affection réelle pour lui, il respectera cette pause dans la tempête.
▬ On peut commencer par un tour de terrain, mais doucement à ton rythme. Il observe une certaine douceur à effectuer son premier entraînement de la journée avec Artemis, à réveiller son corps avec lenteur, à ne pas être dans la recherche constante de l’intensité. Fais pas cette tête, c’est que le début. Un début où Castor n’a pas encore mentionné le deuxième tour de terrain.
Le gamin ne compte plus les cours de sport en commun, toutes ces heures où il puise dans sa motivation pour tenter de la transmettre à son ami. Il est incapable de comprendre cette passivité face au sport, incapable de comprendre qu’on ne puisse pas aimer de dépenser. Et avec le temps, cette posture continue à l’étonner. Et presque à l’amuser.
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Mer 14 Avr - 12:05
"J'me caille le cul bordel..." Voilà la seule pensée qui occupait l'esprit du jeune homme au corps engourdi par le froid. Etant occupé par la température très certainement proche de -100 (Artemis n'abuse jamais), il a du mal à élaborer une stratégie digne de ce nom pour éviter ce moment de torture qu'est le cours de sport pour le pauvre corps du petit. Artemis regarde les élèves de sa classe. Ils semblent tous aussi dépité que lui. Comme à son habitude, Thorn est seul, loin d'Artemis. Cela ne manque pas de lui faire esquisser un petit sourire. ça en devient futile, cette obsession qu'il a de rester loin. M'enfin bon, si ça l'amuse.
Puis, Artemis se souvient. Il se souvient de ce malade mental qui semble avoir une belle affinité avec le fait de souffrir. Castor. Un sportif. Lui ne comprend pas Artemis. Et c'est purement réciproque. Le sport, ça provoque sueur, perte de souffle, le cœur bat bien trop fort. Après, on dégage une forte odeur corporelle, on a des vestiaires qui puent tout autant, et il fait froid, il n'y a vraiment rien d'agréable. Mais cet imbécile heureux semble kiffer ça. Il doit très probablement sortir tout droit des enfers. Et c'est le démon personnel d'Artemis, puisqu'il semble s'être mis en tête qu'il serait judicieux d'entraîner Artemis dans ces maudites flammes avec lui. Plus il s'approche, plus le p'tit génie arrive à distinguer les cornes qui ornent la tête de son bourreau.
« Si je suis prêt pour l'échauffement ? Pas de question stupide Castor, aide moi plutôt à trouver une excuse digne de ce nom, tu perdras moins de temps. »
Il fait la mauvaise tête, et continue sur sa lancée. Castor a décidemment bien plus envie que le prof lui-même qu'Arty progresse. Il commence à parler de courir. Mais au rythme de l'élève. Artemis lui lance un regard dubitatif.
« A mon rythme ? Tu as donc tant envie que ça de marcher et shooter dans des cailloux ? Chouette, on va bien s'amuser ! » Le ton ironique que la voix d'Artemis prend ne peut échapper à personne. Ce que Castor appelle un échauffement, c'est déjà rentrer dans le dur pour le scientifique. Ce dernier ne démord pas. Sa motivation reste intact, et Artemis comprend qu'il est déjà trop tard pour lui.
Dans un dernier élan d'espoir, il lance : « C'est dommage, je voulais vraiment courir avec toi cette fois-ci... Malheureusement, mes pieds sont tous engourdis avec le froid, je crains que mes os ne soient plus fragiles, et qu'ils se brisent instantanément ! Je suis tellement frigorifié des orteils que je ne suis même pas sûr de pouvoir bouger !» Flûte, crotte, mince. Artemis sait pertinemment qu'il est déjà trop tard pour son cas. Castor, c'est un petit chien. C'est collant, et quand ça s'accroche, ça ne lâche jamais. Alors autant l'amuser un peu.
Fausse excuse. Artemis s'en fou de divertir les autres. Son but, c'est de gagner du temps.
▬ Le froid ? C’est dans la tête. L’ironie est présente. Les mains toujours enfoncées dans sa doudoune, il espère fortement le retour des beaux jours.
D’un geste agacé, il envoie balader les excuses. Artemis est un cas désespéré. L’archétype du scientifique incapable d’effectuer le moindre effort. Il est ce garçon moqué, qu’on représente trop souvent inhalateur à la main quand il s’agit de courir. Il est ce garçon trop fin, capable de nommer tous les muscles sans ne les avoir jamais travaillé. Et Castor trouve ça triste, triste qu’il ne connaisse pas le bonheur du dépassement physique, triste qu’il ignore le doux sentiment d’adrénaline quand la réussite est toute proche.
Alors il envoie balader les excuses, il les envoie aussi loin qu’il peut. Le sale gosse n’a pas le temps pour ce jeu hebdomadaire, ce jeu où Artemis cherche par tous les moyens à échapper à la torture. Ce jeu perdu d’avance.
▬ Tu trouves pas que tu commences à manquer d’originalité dans tes excuses ? Son sourire parle de lui-même. Il n’a pas le temps de parler, il a ce besoin vital de courir. Tu devrais penser à te renouveler. Tu auras tout le temps d’y penser après l’entraînement.
Et sans un mot supplémentaire, il lui attrape le bras. Sans un mot supplémentaire, il le traîne vers la piste pour commencer à courir. Et Castor ne lui lâche pas le bras, il sait qu’il est capable de partir. Pire, de rester immobile, de combattre de toute sa force le dynamisme de Castor, d’y opposer farouchement cette absence de mouvement.
▬ Allez Artemis, tu peux le faire, c’est juste un tour pour le moment ! Les encouragements sont lancés avec la plus grande bienveillance. Le gamin a toujours été doué pour ça. Il lutte si fort chaque jour pour être la plus belle version de lui-même que ses efforts ne peuvent que déteindre sur les autres.
Et peut-être qu’un jour ils atteindront Artemis, loin d’être le plus réceptif. Et peut-être qu’ils atteindront Thorn. Thorn qui a oublié comment être heureux. Thorn dont l’air fatigué lui tort le cœur. Son meilleur ami semble plus inadapté que jamais, une image qui le renvoie cinq ans plus tôt à l’arrivée de cet enfant sauvage. Peut-être qu’un jour, Thorn en aura fini avec les loups ?
▬ Tu vois, tu t’en sors très bien. C’est comme marcher, un pied devant l’autre, sauf que c’est plus rapide. Parler de sport à Artemis est une expérience unique.