La bataille de boules de neige avait été une assurément mauvaise idée.
Une très mauvaise idée, comme il n'en avait jamais existé de pire. Si il s'était emmitouflé de multiples équipements pendant cette journée, que ce soit le cache-oreille gentiment offert par Hume ou la grosse écharpe de laine, ce n'avait visiblement pas été assez pour éviter le rhume carabiné.
C'était un de ces rhumes qui l'obligeait à se moucher toutes les trente secondes. Ça faisait un bruit de trompette peu élégant, et on pouvait l'entendre venir à dix lieues à la ronde. Autant dire que Thorn, lui, il avait préféré s'exiler pendant un moment du commun des mortels et, un livre coincé sous le bras, ses mains occupées à se moucher, il s'était dirigé vers les serres.
À cette heure-ci, elles étaient vides de monde. Même Tsubaki, qu'il voyait parfois pour lui demander conseil, n'était pas là. Thorn se moucha une énième fois puis posa le livre prêté par Red sur un bureau, l'ouvrant à une page bien précise. Il alla prendre un petit pommier qui était sur le côté, même pas encore planté et suivit attentivement les consignes. Ça faisait un petit moment qu'il voulait s'essayer à ça, et ce n'était jamais le moment de jouer à l'apprenti sorcier.
Alors que ses yeux, concentrés malgré le flou dans lequel il était à cause du rhume, tentait de déchiffrer les lignes du livre, il s'arma d'un couteau pour faire une légère entaille sur le tronc et y mettre un bout de la branche d'une autre variété de pommier.
« C'est sûrement trop tôt, mais... », bougonna-t-il, puis il badigeonna sa création de colle pour faire tenir la greffe. Si ça ne prenait pas, tant pis, mais ce serait un bon test, il pourrait ensuite s'essayer à diverses expériences dans la limite de ce que permettrait la nature.
Attentif, les yeux de Thorn se replongèrent dans le livre lorsqu'un picotement le prit. Il n'eut pas vraiment le temps de sortir son mouchoir, et d'ailleurs la bonne dizaine qui lui restaient étaient tous usagers et collés les uns contre les autres dans ses poches. Il fut pris d'un éternuement immense qui résonna dans toute la serre et quand il tourna la tête vers le livre, reniflant bruyamment, il jura :
« Putain de merdeeeeeeeee ! », fit-il comme si c'était un drame. Evidemment que c'était un drame, ce n'était pas son livre et maintenant, il était complètement crade. Ce n'était pas la première fois que ça lui arrivait, si ça continuait, tout le personnel allait penser qu'il n'en avait rien à faire des livres, alors que ce n'était même pas ça ! Lui-même était le premier désolé pour ce pauvre livre qui n'avait rien demandé. Si Kind apprenait ça, elle le défoncerait sûrement.
Avec un quelconque chiffon qui se trouvait là et c'est tout de même bien pratique, tentant d'essuyer le pauvre livre puis, entendant un bruit, le ferma précipitamment avant de le cacher dans son dos.
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Mer 27 Jan - 21:50
Did you know? Low temperature is bad for your body, unless you're feeling pretty hot. But you don't, do you?
Si l'ennemi de Red était l'été, l'hiver n'était pas son allié pour autant.
Car être sensible aux rayons de soleil et à sa chaleur ne lui permettait pas, en compensation, d'être résistant à la neige et à sa basse température. Cependant, l'hiver était indéniablement la saison durant laquelle la santé du psychologue s'avérait être le moins en danger. Il devait toujours bien se couvrir pour éviter d'attraper un rhume, mais concrètement, il n'avait plus besoin de se mettre autant à l'ombre.
En combinant cela et son travail qui lui permet un emploi du temps assez laxiste, Red pouvait profiter de l'extérieur et parfois faire le tour de l'établissement. Ça lui arrivait assez souvent, à vrai dire, et sans raison valable. Parfois, la nostalgie le prenait plus que d'habitude, sentiment noble qui maintenait en lui sa fidélité envers l'orphelinat et toutes ses bonnes vieilles leçons. Il passa près des serres en ignorant quelque peu celles-ci, la saison n'étant pas vraiment l'idéale pour aller admirer les fleurs ou autres plantations, cependant...
- Hm ?
Un éternuement résonna depuis là-bas. Quelqu'un s'était-il enfermé à l'intérieur ? Si c'était le cas, alors il fallait absolument libérer cette pauvre personne qui était sûrement en train de tomber malade !
Red approcha des serres et tenta de distinguer au mieux quelconque forme humaine qui s'agiterait par-ici. Il aperçut bien une chevelure qu'il pense avoir déjà vu – quelle bonne plaisanterie : il les connaît toutes – puis toqua à la vitre en souriant à la forme dont il ne distingue pas encore tout à fait le visage. Il lança un « Est ce que tout va bien, là-dedans ? » un peu trop jovial pour une situation où il pense que quelqu'un là-dedans est coincé, avant d'avoir ce qu'il pense être le bête réflexe de tourner la poignée de la porte... qui s'ouvre. Oh.
Le psychologue pénétra ensuite à l'intérieur. Personne n'était en danger, en fait. La figure qu'il croyait bloquée dans la serre révéla alors son identité et Red accorda un sourire à ce visage visiblement surpris de le rencontrer là – on peut dire qu'il l'est également, même si trouver un élève ici ou là sur le terrain de l'école sera toujours normal.
- Thorn, bonjour, salua-t-il le plus humblement du monde. C'est toi qui éternue comme ça, n'est-ce pas ? Tu devrais faire attention.
Sans tenir compte éventuellement du facteur de la gêne, Red approcha un peu plus pour rester à simplement un petit mètre de Thorn. À vrai dire, son sourire semble un peu plus large qu'il ne l'est d'habitude : il se rappelle exactement de quand et quel livre il a récemment prêté à ce dernier, et surtout ! Ce fut une grande joie de constater que même un perturbé comme lui acceptait – après un petit forçage, vous dites ? - de lire un des nombreux bouquins de son étagère. Naturellement, il avait grande hâte de savoir où il en était dans sa lecture.
- Ce n'est pas l'endroit idéal pour bouquiner, tu ne penses pas ? À moins que tu ne l'ais déjà fini ?
Coup de bol pour l'autre en face, Red n'avait pas du tout remarqué la chose souillée qu'il cachait dans son dos.
Ça aurait pu être n'importe qui, un élève qui venait récupérer des affaires ou Tsubaki là pour entretenir quelques pots de fleurs ; Thorn n'aurait même pas râlé contre la prof', ou juste pour la forme, comme d'habitude, il avait bien trop habitué à sa présence pour y faire attention.
Sauf que cette fois-ci, la voix n'était pas féminine, pas du tout, même, qu'elle ne ressemblait pas à une voix d'enfant. Elle ne lui était pas inconnue et immédiatement, ses poils se dressèrent. Il avait été prêt à gueuler qu'il n'était pas bloqué ici et que ça ne le dérangerait même pas de sauter par une ouverture, même s'ils se trouvaient en hauteur, mais Thorn se retint. Il ne voulait pas donner une occasion en plus à Red pour l'analyser.
Son nez coulait, il l'essuya grossièrement avec sa manche, haussant les épaules lorsque Red évoqua son éternuement.
Ça arrivait d'être malade, hein ? Il grogna un peu, regardant ses pieds, reposant le livre sur la table – de toute évidence, il avait besoin de ses mains de lire à ce moment pour se triturer les cheveux. Rapidement, d'ailleurs, il avait une main dans sa chevelure, occupée à faire de jolies bouclettes.
« 'Jour M'sieur. », s'il lui arrivait d'être désagréable envers les professeurs, il épargnait encore le psychologue de l'école, peut-être parce qu'il en avait un peu peur ? Parce qu'il avait conscience que Red pouvait l'aider et qu'il n'était pas si méchant que ça.
« Je lisais pas, je m'en servais comme tutoriel pour faire une bouture. Tsubaki est pas là, alors je voulais tenter des trucs tout seul. »
Merde, ça arrêtait pas de couler, il s'essuie une nouvelle fois le nez avec sa manche, reniflant un bon coup pour éviter d'avoir de la morve qui pendouille et tente de sourire à Red.
Sourire. C'était une expression toute particulière que Thorn avait encore du mal à essayer. Thorn ne souriait pas, il râlait, il maugréait, Thorn ne souriait plus, et quand il le faisait, comme là, il se forçait.
Le doigt pointant sur l'arbre qu'il venait de tailler, il montra à Red sa création ; il n'y connaissait sans doute pas grand chose en bouture, en arbre en général, mais avoir l'approbation d'un adulte était toujours bien, même pour quelqu'un comme Thorn.
« J'ai juste attrapé froid dehors, il neigeait l'autre jour, j'ai fait un...igloo, avec Hume. », disait-il en contemplant ses chaussures comme s'ils étaient vraiment très belles et qu'il avait été pris en flagrant délit de s'amuser, surtout. Enfin s'amuser, tout était relatif, il se souvenait avoir été si pressé de finir cet enfoiré d'igloo qu'il avait failli se faire des engelures aux doigts. Le pire, c'était qu'à présent, il avait sûrement fondu.
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Il savait Thorn taciturne. Boudeur, râleur, juste mauvaise langue comme mauvaise gueule ; bref, pas de sourire véritablement sincère. Mais l'effort était apprécié. Peut-être voulait-il éviter au psychologue de se faire plus de soucis que nécessaire ? Il n'était pas infirmier et pouvait se contenter de prévenir au lieu de guérir, après tout. L'intérieur de la serre était plutôt agréable ne serait-ce que pour la température : ici, ils étaient protégés de l'air frais.
- Mais c'est parfait, je te félicite ! Je laisse ces livres en général pour de la simple lecture, mais que tu t'en serves s'avère être au-delà de ce que j'espérais. Content de voir que tu as toujours ta petite méthode pour passer le temps !
Car ça aurait pu être n'importe quoi d'autre que la botanique. Un jeune gars comme Thorn aurait pu passer son temps à juste faire la tête dans un coin de la bibliothèque ou à jouer au foot avec les plus difficiles à canaliser. Mais Thorn était seulement ronchon et pas problématique, n'est-ce pas ? En tout cas, de ce qu'il en constatait là maintenant tout de suite, il avait très envie d'y croire. Envie d'y croire mais sans se plonger dans l'illusion pour autant. Il cherche sincèrement les réponses suite à sa façon de faire sur les élèves et espère ainsi n'en récolter que des vérités (plaisantes à entendre ou non ; ce qui compte, c'est le résultat).
L'image de la professeur de botanique traversa ainsi l'esprit de Red avant de s'évanouir lentement. Il secoua doucement la tête.
- Pas du tout, je me promenais. Tout comme il t'arrive de t'aventurer ici, je m'occupe en me baladant dans l'école. Je suis très nostalgique.
C'était rien de le dire : cet endroit représentait beaucoup de choses pour l'Anglais (pour ne pas dire absolument tout). Même ses vieilles attaches à Oxford ne comptaient absolument pas pour lui. Prismes était, en plus de son petit univers, le petit univers tout court, comme s'il n'y en avait qu'un seul. À ces mots, il jeta d'ailleurs un œil circulaire à la serre.
- J'ai passé très peu de temps ici, à l'époque où j'étais élève, il se tourna alors ensuite vers son interlocuteur. Je n'avais pas vraiment de lieu favori, mais j'imagine que celui-ci est le tien ?
Curieux comme il était de constater que Red semblait plus calme de visage lorsqu'il regardait les alentours et pas un autre faciès. Peut-être que le sourire « heureux et ordinaire » du psychologue était en vérité plus léger qu'on ne le pense ? En tout cas, lorsqu'il tournera à nouveau ses pupilles vers le rouquin, son expression retrouvera sa joie mal dissimulée et difficile à déchiffrer.
Son nez était si encombré que Thorn galérait. Il sentait également sa gorge lui brûler, son front chauffer et ne se gêna à un moment pour tousser de tout son saoul.
Oh, il était sûr qu'il aurait été mieux dans son lit, sous deux couvertures bien épaisses, au moins remontées jusqu'à son nez et accompagnées d'un bon verre de chocolat chaud pour l'aider à surmonter l'espèce de brouillard qui le prenait dès qu'il tentait de mobiliser l'entièreté de son cerveau pour penser.
Penser.
Pour le moment, il se concentrait surtout sur les différentes situations : à savoir, de un, il était en compagnie de Red, qui était sûrement l'adulte qu'il devait le plus voir de tous dans cet orphelinat. Que sa compagnie ne lui était pas insupportable (et même si beaucoup de monde racontait des choses bizarres sur lui, Thorn l'aimait presque bien).
Malgré son malaise, Thorn comprit que Red avait été élève ici. Il lui semblait que ce fait lui était familier, comme si Red l'avait déjà évoqué dans une séance, mais Thorn faisait rarement attention à ce que disait le psy dans leurs séances. Alors il se contentait de hocher la tête, pour ne pas qu'il devine qu'il n'avait coutume d'être aussi dissipé. « Je ne sais pas trop. Je dirais plutôt que je préfère être dehors, dans la nature. Monter aux arbres, faire des cabanes ou des igloos, quoi. »
Il soupira en pensant à leur petit igloo qui devait être totalement fondu à cette heure, aux heures qu'il aurait pu passer dehors dans les arbres à jouer avec le chat. Il était bien trop fatigué pour le faire, d'ailleurs, il éternua de nouveau et, à nouveau, faute de mouchoir, s'essuya brièvement le nez avec sa manche. « Vous étiez un élève exemplaire, Red ? Dans le haut du classement ? Vous aussi, vous deviez voir souvent le psy de l'école ? », demanda-t-il, avant de se détourner du psychologue pour monter sur un petit tabouret qui se trouvait à leur droite. S'il se mettait sur la pointe des pieds, il pouvait voir le parc via une lucarne qui restait parfois ouverte et même avec un rhume, Thorn se sentait mieux en sachant qu'il n'était pas dans une pièce totalement close (d'ailleurs, sa crève venait sans doute plus du fait qu'il ne fermait jamais sa fenêtre plus que de sa balade dans le jardin).
Pensif, il ne regardait plus Red, les mains crispées sur la fenêtres.
« Pour répondre à votre question, et j'espère que c'est pas le psy en vous qui me la posez, j'aime bien la botanique. Je pense que je voudrais devenir garde forestier ou quelque chose du genre. Protéger la nature. J'ai...je pense que j'ai mis le doigt sur quelque chose concernant mon passé, dernièrement, alors aller dehors, ça me calme. Dehors, il y a juste le son des oiseaux, pas d'instruments de musique qui me mettrait en colère. Je crois que Dorémi me porte pas en forte estime à cause de ça, mais j'm'en fous. »
Thorn eut un léger rire.
« Vous m'trouvez bizarre ? Vous savez si y'a moyen de retrouver sa mémoire ? J'suis heureux, pourtant, mais j'me sens tellement en colère. Pas vous à l'époque ? Et si oui, vous avez fait comment pour être comme ça aujourd'hui ? »
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Ven 19 Mar - 12:23
Did you know? Low temperature is bad for your body, unless you're feeling pretty hot. But you don't, do you?
Être psychologue, même en dehors de son bureau, impliquait visiblement à Red de ne jamais pouvoir quitter pleinement son rôle. Aux yeux des élèves, il était après tout l'adulte vers qui on se tournait le plus pour parler « personnel ». Parler émotions, sentiments, inquiétudes et frayeurs. Parler avenir et passé. Parler soucis, majoritairement. Ainsi, même sans être en totale fonction à la tranche d'horaire d'une consultation, il n'échappait pas aux questions du genre que Thorn lui posait.
Toujours des trucs qui touchaient à la perception du monde, à la façon de vivre, aux ressentiments, à tout ce dont on ne parle normalement pas aux autres adultes parce que ce ne sont pas leurs oignons. Sauf que dans le cas d'un psychologue, les oignons des autres, ils constituent son métier. Mais même s'il n'est pas dans son bureau, Red se voit mal refuser toute occasion à répondre par simple prétexte qu'il n'est pas dans ses chaussures de psychologue. Il l'est en permanence, au final.
Sans bouger de là, Red se contentait de l'observer, d'écouter plus qu'il ne pouvait essayer d'analyser sa gestuelle.
- Tu es décidément très sérieux lorsque tu te délies la langue, Thorn... commenta-t-il d'abord. Hm, par quoi devrais-je commencer...
Il l'avait laissé parler, même s'il aurait pu répondre au fur et à mesure. Mais c'était un de ses réflexes de psychologue : son métier ne semblant presque jamais le quitter, il avait pour habitude de laisser parler les autres avant de poursuivre. De ce fait, il lui fallut réunir une dernière fois ses pensées afin de répondre posément à chacune des interrogations du rouquin. Mais dans un ordre qu'il juge plus ou moins important.
- Au sujet de ta mémoire, sache que tout dépend de la personne sujet à amnésie. Cela peut venir du traumatisme, du mécanisme de défense, de la volonté du sujet en question... Vouloir très fort retrouver la mémoire n'est pas forcément la clé pour lui permettre de revenir. Peut-être qu'au fond, tu ne désires pas la retrouver ? Peut-être que tu ne la retrouveras jamais... Malheureusement, je suis psychologue et non pas neurologue, donc c'est un domaine qui relève plus du scientifique que de la psychologie. Bien que les deux soient étroitement liés.
Des cas d'amnésie, légères ou profondes, Red en a vu plusieurs passées. Et bien qu'il s'intéresse à un peu tout ce qui peut traîner dans la caboche de ses semblables, ses capacités ont malheureusement leurs limites. Ce pourquoi pour tenter de les repousser un jour, il étudiait discrètement l'hypnose. Mais il était encore bien trop tôt pour songer à l'essayer sur quiconque, et encore moins sur un élève souffrant de troubles.
- Mais si aller dehors te permet de doucement te rappeler, alors je ne peux que te conseiller de poursuivre. Je pourrais même te prêter encore plus de livres sur le sujet, si tu le désires ! il changea alors de sujet. En ce qui concerne mon propre cas... il n'y a vraiment pas grand-chose à dire.
Aussi bizarre Red paraissait aux autres, il était en fait très chanceux du côté de son passé. L'Anglais était entouré de jeunes personnes à cas, représentait un mystère social pour autrui, mais il avait un dossier bien maigre comparé à ceux qu'il pouvait lire aujourd'hui, ou même ceux que les élèves de son époque possédaient. Aussi surprenant que cela pouvait paraître... oui : Red était ordinaire
- Je ne vois pas vraiment ce que tu veux dire par « en colère », mais non, je ne l'étais pas. Je n'avais aucune raison de l'être. Bien que j'étais très bas dans le classement, d'ailleurs. Je n'ai vu le psychologue qu'à mon entrée et une fois par an jusqu'à la fin de mes études à Prismes, comme tout le monde. J'étais un élève très lambda, pour être honnête.
… Concluant sa réponse ainsi, Red souffle un petit rire.
- Pardonne-moi, Thorn : je me sens très rarement hors du cadre de mes fonctions. Donc je pense que « le psy en moi » t'a répondu du début à la fin.
Thorn avait l'air de réfléchir. Pour la première fois depuis des semaines, il se posait même, ses sourcils se fronçaient et il pensait vraiment à lui-même et à toutes les conséquences qui pourraient lui atterrir sur la gueule s'il se souvenait de tout.
À l'envie réelle qu'il avait de retrouver le nom que, potentiellement, des parents qui l'avaient aimé lui avait donné.
Alors qu'il se fichait souvent des réponses des autres adultes (enfin pas de celles des profs, mais des adultes autres), il écoutait Red comme s'il avait les clés à toutes les questions qu'il se posait. Ce qu'il y avait de fascinant chez le psychologue de l'orphelinat, c'était qu'il avait fait parti des leurs. Red avait aussi foulé ces couloirs en tant qu'élève, il avait ri dans la cour et affronté la dure épreuve du classement.
Il réfléchirait à la question de l'amnésie peut-être plus tranquillement lorsqu'il pourrait s'isoler pour y réfléchir. La musique, il savait que ça causait des choses, peut-être faudrait-il vraiment demander sérieusement à Dorémi de l'enfermer dans une salle et de lui passer différentes musiques jusqu'à voir ce qui finissait par revenir ?
Peut-être que Red ne serait pas d'accord, alors, autant ne pas lui en parler.
« Je ne sais pas trop. », dit-il. « En tout cas, ce qui est sûr, c'est que j'y pense et que ça me met en colère. Une fois, je me suis battu. Je me dis que ce serait plus simple pour tout le monde, que je serai plus apaisé, non ? »
Il tente à nouveau esquisser un semblant de sourire, plus là pour que Red approuve ce qu'il venait de dire plutôt que pour autre chose.
Thorn fut à nouveau pris par un éternuement et tarda à sortir son mouchoir qui devait avoir l'air désormais d'une vieille serpillière toute mouillée. Les doigts pleins de morve, il les essuya (tout aussi discrètement) sur ses vêtements puis renifla un bon coup.
« Vous étiez normal alors. C'est rigolo, il y a des gens ici qui font traîner des tas de sales rumeurs sur vous. En fait, vous êtes juste sympa. Ça ne vous gêne pas ? Je vous avoue que moi, je péterai un câble ! »
Mais il n'était pas un adulte, encore moins un psychologue. Il admirait un peu Red, en fait, c'était sans doute l'adulte qu'il admirait le plus ici, mais il se retiendrait bien de le dire fort, il avait tout de même sa fierté.
Le garçon ne retint pas un frisson. Son front était légèrement rouge et ses pensées s'agitaient à toute vitesse dans sa tête. Au moins, il était heureux d'avoir pu rencontrer Red et lui avoir posé ses questions avant leur rendez-vous. Et il se demandait bien pourquoi ils n'avaient qu'aussi peu de séances de psy, avant : après tout, même les enfants comme Castor en avaient au moins une par mois, alors ?
Thorn pencha la tête, il poserait sans doute la question plus tard.
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