Des vers de terre et des sauterelles, c'était ce qu'il avait trouvé lorsqu'il avait ouvert son casier pour en extirper un épais manuel emprunté il y avait deux mois de cela à la bibliothèque, comptant bien le rendre à un moment ou un autre.

Il avait vu il y avait trois ou quatre minutes l'actualisation et ça lui avait fait un petit bouleversement à l'intérieur de lui. Sans doute commençait-il à tout remettre en cause, était-ce parce qu'il s'était posé des question sur l'importance des pseudonymes, qu'on le punissait pour ça ?

Pour Thorn, il ne lui vint pas une seule seconde à l'esprit qu'il puisse baisser car il était en réalité moins attentif en cours et puisqu'il avait foutu sur la gueule de Sun en pleine heure de colle. Non. Lorsqu'il avait vu qu'il s'en était tiré avec une place en moins, Thorn avait pensé que c'était une punition à cause des doutes qu'il avait pu émettre dans son for intérieur, et puis il avait vu la montée fulgurante de Castor et la nouvelle place qu'il avait au sein du Cercle de Mars, pour le moment vacante.

Il avait eu un rire, un rire tout en froideur et sans joie, puis était parti de l'attroupement formé pour aller récupérer le fameux livre dans son casier.

Le moment n'était guère à la rigolade, les yeux du rouquin étaient tous sauf positif. Trouver ces animaux entre ses doigts l'aurait fait gueule s'il n'était pas aussi habitué à la forêt, faute de l'effrayer, il fut tour à tour surpris, puis en colère.

En colère car même si foutre quelques bestioles dans son casier était un affront en soit, il avait besoin de se défouler pour une personne quelconque et si au tout début il avait pensé à Kitten pour quelque chose de ce genre, il se dit soudainement que le garçon au cheveux blancs aurait au moins la décence de l'affronter en face. Non. Alors qu'il chopait ses amis les vers de terre dans ses mains et laissait les sauterelles s'échapper dans le couloir, Thorn sut qui était le coupable.

Ne serait-ce pas celle qui lui jetait des trucs derrière son dos et qui lui disait des mots doux à voix basse ? Qui ne s'était jamais fait choper ? Furieux, il monta rapidement les escaliers pour se retrouver dans les dortoirs.

Bon, le seul problème, c'était qu'il ne connaissait pas sa chambre, mais au moins, il pouvait toujours gueuler comme il savait si bien le faire.

« MIMI !!! PUTAIN T'ES OU ??? »

HJ: rip les deux. *tousse*

Les vers de terre grouillaient encore dans ses mains, mais Thorn savait qu'il ne les lancerait pas sur la fille, il n'était pas si bête. Après tout, la nature, il l'aimait, il ne voulait pas la meurtrir et même si ces pauvres vers de terre ne devaient pas ressentir grand chose, les lancer sur une fille (qui de plus est Mimi) n'était pas trop dans son temps.

Alors, rouge de rage, Thorn restait là à crier son nom en espérant que la fille lui ouvrirait sa porte, si son instinct était tellement bas qu'elle ne comprendrait même pas qu'il ne savait pas où elle dormait.

…Et il fallait le croire volontiers lorsqu'elle se pointa la bouche en cœur pour lui parler et l'accuser de faire la chèvre, ça. C'était du Mimi tout craché, de faire penser qu'il était complètement chtarbé et de le remettre en question. Comme s'il inventait ces fichus vers de terre, comme s'il n'était pas vraiment en train de les tenir dans ses mains toutes chaudes.

D'ailleurs, il se rapprocha d'elle à grands pas et les lui montra, ces visqueuses bestioles qui ne cessaient de bouger, se demandant même comment elle avait fait pour en avoir temps d'un coup (peut-être avait-elle retourné une partie du jardin d'Heaven ? C'était pour les sauterelles que c'était un brin plus étrange, en revanche et il se demanda même si elle n'en faisait pas l'élevage dans sa chambre)

« Le principe des vers de terre, c'est de vivre dans la terre ! Dans un casier, ils peuvent mourir ! T'es en botanique, tu devrais le savoir, pas être une tortionnaire d'animaux ! », lui dit-il en la fusillant des yeux.

Le pire ? C'était probablement qu'elle était littéralement en train de lui jeter des mots doux dessus. Et franchement, être beau ou laid, tant qu'il avait de bons résultats, Thorn s'en fichait un peu, c'était même le cadet de ses soucis.

Quand il y pensait vraiment, elle lui faisait un peu de peine, cette fille, ça lui donnait envie de lui tirer les cheveux et de la coincer vraiment dans sa chambre mais pas de chance, pour ce coup-ci, ses mains étaient occupées. Il lui aurait fallu descendre les escaliers et les remettre en terre que la Mimi sauvage se serait déjà barrée, lâche comme elle était.

Alors, Thorn s'en rapprocha. Assez pour qu'elle sente son haleine, à deux centimètres d'elle, dans une provocation relativement invasive et purement méchante.

« Je suis moche si tu veux, je m'en fous. En revanche, que tu déloges des bestioles pour les fourrer dans mon casier, j'veux bien que tu aies deux de QI, mais même Knight ne l'aurait pas fait ! Même Knight ! », il appuya sur le nom de leur camarade de la classe de botanique, marquant son dégoût du garçon par la même occasion et la supériorité en matière de haine qu'il vouait à Mimi.

« Donc excuse-toi. Tout de suite, j'attends ! »

Sa voix moqueuse l'inciterait à frapper.

À frapper pour éclater son petit visage de princesse si innocente, à maculer ses joues si roses de nuances de bleu et de violet.

La frapper pour se venger, pour exploser dans un excès de fureur et de verve, la frapper pour obéir à ses sens et ses envies.

Les vers de terre enroulés dans sa main lui rappelaient pourtant qu'il protégeait des vies, et cela semblait être la seule, vraiment la seule raison, de pourquoi il n'obéissait pas à ses bas instincts.

Si elle pensait qu'il ne comprenait pas qu'elle faisait de l'ironie, qu'elle se moquait de lui, elle se mettait le doigt dans l’œil. En réalité, il savait très bien que ses paroles n'étaient adressées qu'à lui, lui en priorité, qu'elle savait où frapper, utilisait son vocabulaire avec minutie si un adulte passait.

Il savait que si une telle situation se produisait, Mimi passerait encore une fois pour une innocente victime, et lui pour un loubard désabusé. Qu'il pouvait donner l'impression de lui faire du chantage ou de lui donner les vers, de vouloir les lui faire manger.

Thorn en était malade.

Comme si ce n'était pas suffisant, en réalité.

Il n'avait pas besoin de cela pour dire adieu à la réalité, la dispute entre lui et Castor avait éclaté tellement fort dans ses entrailles qu'il ne sociabilisait plus (ou à peine), se lavait ce qu'il fallait, que ses cheveux étaient sales, plus si roux que cela, que des cernes affreuses venaient annihiler ses facultés intellectuelles.

Thorn posa lentement les vers de terre sur le sol, il irait les reprendre un peu après, le temps d'enrouler son doigt autour de ces cheveux, pour se calmer, pour destresser, entrer dans son petit monde pendant une demi seconde.

Il croyait presque que c'était fini, qu'il avait résisté au pire. Qu'il avait absorbé son venin de serpent et qu'il allait pouvoir partir, que c'était un signe de victoire.

« Mais que ? », interroge-t-il.

Il aurait dû s'en douter, avec Mimi, ça n'est jamais fini, il faut toujours que ça monte en escalade. Peut-être aurait-il dû choisir un terrain plus familier, c'était son erreur, la sienne à lui.

Thorn grogna, la sentant le toucher, tenter de lui faire mal pour vite repartir. Son pied écrasa quelque chose de poisseux et chaud. Il n'y fit attention sur le coup, trop obnubilé par la vipère qui le provoquait.

« Mais t'es débile ou ? Mais va te faire foutre, pauv' fille ! », il avait regardé tout autour, il n'y avait personne, c'était bon. À droite, à gauche, en haut, en b-

Une petite bouillie de choses qui bougeaient vaguement attira son regard, quelque chose de rose et gris : les vers de terre.

Thorn blanchit soudainement, le regard soudainement coupable, trop choqué pour faire quoique ce soit avant que ses yeux ne se retourne vers Mimi.

« Pourquoi t'as fait ça ? », il aurait sans doute pu pleurer à ce moment, il était dans un état où ses nerfs n'en pouvaient plus, tout simplement. « POURQUOI ! » et ses cris stridents auraient pu attirer depuis le rez-de-chaussée.

Rapide, il agrippa la maligne par le col et lui foutut un pain.

Une fois, deux fois.