Thorn se rongea un ongle, puis l'autre. Dans la cabane, de petites rognures étaient tombées, il avait claqué des dents, puis avait enroulé sa main autour de ses cheveux roux-couleur boue.
Quelques dreadlocks commençaient à s'y former, ils n'étaient plus aussi lisses que ça, tout comme Thorn n'était plus aussi propre que cela. Dans son regard se lisait une certaine folie, un éclat peut-être un petit peu dangereux tandis qu'autour de lui et éparpillées sur le sol de la cabane se distinguaient des feuillets, prises de notes éclectiques de ses différents cours.
Son corps émergea un peu, et tout aussi décidé que quelques heures auparavant et rempli d'énergie positive, Thorn se leva d'un seul bond pour se remettre debout et attraper quelque chose qui devait ressembler à un devoir de musique écrit à la hâte.
Il mit le pied sur l'échelle de la cabane, puis descendit à la hâte, se prenant une saucée qui le persuada à courir et rejoindre à vitesse accélérée l'orphelinat. Le devoir n'était qu'une excuse, il aurait très bien pu le déposer dans le casier de Dorémi, il lui fallait juste une excuse pour le voir seul à seul car il avait plusieurs questions à lui poser très sérieusement, en dehors des habituelles provocations qu'il avait à son sujet d'habitude.
Dorémi pouvait s'avouer utile.
Sa verve, son mauvais caractère pouvait être une force dans ce qu'il allait tenter de faire et qu'il n'avait pas oser avouer au psychologue qui le suivait toutes les semaines.
Le bruit de ses pas résonnait dans l'orphelinat et il finit à arriver en face de la porte de la salle de musique. Avec un peu de chance, Dorémi y serait, sinon il devrait se rabattre sur la salle des profs ou juste ses nerfs pour attendre de voir le type se ramener la bouche en cœur.
Ses doigts s'emmêlaient dans ses cheveux, et il attendait.
Ses doigts battaient un tempo rapide de son autre main sur son pantalon, son regard se faisait hyperactif sur le couloir autour.
Thorn toqua enfin, puis ouvrit sans attendre l'avis de qui que ce soit.
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Dorémi
Jeu 15 Avr - 1:30
Crac crac font ses doigts quand il les craque. Écrire fatigue bien trop sa mimine, de son avis. Il préférerait bien sûr la garder en bon état pour pouvoir jouer de ses instruments ; déjà qu'il en a plus qu'une. Il doit écraser ses phalanges contre son bureau pour pouvoir entendre le doux bruit. Pas que ça change quelque chose, même si ça lui donne l'impression de les détendre de cette façon. Corriger des devoirs, il y a plus fun que ça, il faut l'avouer. Il n'aime pas beaucoup ça de base, en vérité, mais il doit bien rendre des notes, que ce soit à l'oral ou à l'écrit, et musicien ou non, sa matière ne l'empêche pas de devoir parfois donner des contrôles. Surprises, la plupart du temps. Il profite un peu du fait que ses chères têtes blondes se fassent appeler 'génies' pour les embêter à retenir ses leçons. Qu'est-ce que ça veut dire, 'génie', au fond ? Pas grand chose, de l'avis du rouquin mal rasé. Juste des gamins avec un cerveau foutu de manière particulièrement et de l'hyperactivité pour certain.es, hypersensibilité pour d'autres... Hyper beaucoup de choses, au final. Il est loin d'être un expert. Mais s'il a une chose qu'il a retenu, c'est que le fait d'être génie n'empêche pas certain.es d'être bêtes. Alors il les maltraite un peu, ses élèves, mais il ne les déteste pas ; il veut aussi les secouer, qu'ils battent de leurs propres ailes et se défendent contre le monde hostile qui les attend une fois qu'ils seront sortis de cet orphelinat. Fort heureusement, le bruit de quelqu'un qui toque à sa porte lui donne une bonne raison de procrastiner un peu sur les notes qu'il devait mettre. Avant qu'il ait pu donner l'autorisation de rentrer, toutefois, le nouveau venu n'attend pas vraiment la permission et rentre dans la salle sans un mot. Surpris, Dorémi hésite à rembarrer Thorn quand il le croise, ne serait-ce que pour lui apprendre à attendre les invitations au lieu de faire comme chez lui. Mais il n'en a pas l'envie, sur le moment, quand il sent que l'adolescent semble différent d'ordinaire. Il se contente donc d'esquisser un léger sourire narquois.
« Tiens donc, Thorn, on veut prendre de l'avance ? Pour une fois que tu n'as pas d'heure de colle chez moi... »
Le plus âgé, assis à son bureau, s'étire brièvement avant de ranger les feuilles qu'il corrigeait, à peu près certain que l'autre roux n'est pas venu pour lui parler de ça. Les yeux vers le ciel clair qui se dévoile à travers les vitres, il est d'humeur taquin même s'il se doute que le cadet ne répondra pas forcément à ses piques.
« Il se passe quoi ? Tu t'es embrouillé avec ton petit-ami ? »
Une manière comme une autre de demander indirectement si quelque chose ne va pas, quitte à utiliser un prétexte débile. Même si... Dorémi serait presque curieux de savoir les aléas de ses histoires de cœur. Après tout, il pourrait avoir des surprises.
Il était entré et Dorémi était présent dans la pièce. Thorn se mordit les lèvres face à ses remarques acides, détourna légèrement les yeux avant de poser le devoir quasiment bâclé sur son bureau comme s'il était tout à fait naturel de forcer la porte d'un professeur pour ça.
Une excuse. Verdi n'était qu'un excuse pour déranger Dorémi alors qu'il corrigeait des copies. Sans doute pas la sienne ou il n'aurait pas l'air si contrarié, mais pour ça, c'était l'égo de Thorn qui parlait tout seul.
Dorémi ne savait pas à quel point il parlait juste, à quel point Castor lui manquait. Pour autant, il ne souhaitait pas lui faire le plaisir de répondre « oui » à cette question, principalement parce que ça ne le regardait pas et qu'il était craignos qu'un prof' s'intéresse aux relations entre les élèves.
« Je sais que vous m'adorez tellement au point de me coller tout le temps mais faut un peu vous calmer, non ? », il tourna les yeux dans ses orbites. Sur le point de provoquer Dorémi, il se calma en se souvenant ce qu'il était venu faire ici. Le provoquer était une affreuse idée, très mauvaise. Même lui pouvait le reconnaître, c'est pourquoi il ferma sa bouche et retint la menace d'accusation de pédophilie à Mercury qu'il allait émettre.
« Mh. Il fait ce qu'il veut. Pis j'crois que c'est le Ramadan donc je le laisse tranquille. », le roux se gratta les cheveux car toute cette saleté le démangeait vraiment. Il était gêné, légèrement rouge, sinon il n'aurait pas parlé de Castor.
D'ailleurs, c'était comme s'il ne relevait plus que Dorémi parlait de lui, Castor. Il n'avait même pas cité son pseudonyme, ni évoqué de personne en particulier. Thorn aurait pu se mettre en colère, mais ça n'avait pas été le cas, il était légèrement perdu, et par légèrement, comprenez qu'il nageait en plein dans la semoule de riz.
« J'suis pas v'nu pour ça, vous savez. Je. », il attrapa une de ses boucles pour l'enrouler autour de son doigt. « Je voulais vous parler de mon léger souci avec la musique. Et de Hook, aussi, mais limite, ça peut attendre plus tard. »
Les yeux de Thorn papillonnaient à gauche et à droite, à droite puis à gauche, et enfin en haut de la pièce, ne sachant pas trop où se poser et quel instrument serait moins néfaste que l'autre. Ils s'arrêtèrent soudainement sur la fenêtre d'où il avait sauté avec Yin, un plongeon salvateur.
« J'ai perdu la mémoire à un moment. Red le sait. Ils...ils m'ont retrouvé car j'ai survécu dans la forêt. J'aime pas raconter ma vie et ça vous regarde pas, mais bref. Je pense qu'il y a un truc lié à la musique. Que c'est un élément déclencheur, ça expliquerait pourquoi j'ai envie de vous défoncer à chaque fois que vous mettez ces extraits de merde, et pas seulement parce que parce que vous vous croyez drôle. »
Thorn enfonça ses mains dans ses poches, sans doute épuisé d'avoir autant parlé à un homme qu'il n'appréciait pas spécialement. Qu'il estimait, oui, mais qui le révulsait de tout son être. La couleur blanche ne le quittait, son regard revint se fixer sur le manchot.
« Mais si on trouvait la bonne musique, p'tete que ça marcherait ? Que je me souviendrais ? J'suis pas sûr que Red serait d'accord pour cette expérimentation, donc j'voulais vous voir, en fait. »
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Dorémi
Ven 23 Avr - 13:53
Oh ooooh, mais c'est qu'il a du répondant. Thorn est de mauvaise humeur. Cela se voit. Même un aveugle pourrait le sentir, à ce stade, car son ton acide et sec est loin d'être mensonger. En effet, peut-être que Dorémi pourrait se calmer sur les heures de colle. Peut-être qu'il pourrait arrêter d'utiliser ce prétexte pour aider les élèves turbulents en leur donnant des semi-cours bonus par le biais de ces mêmes heures. Le professeur ne sait juste pas vraiment si Thorn était réellement concentré quand il y avait les autres autour ; il sait que pour certaines personnes il est plus simple de se laisser aller de manière davantage personnel en tête-à-tête plutôt que devant toute la classe. Surtout quand cette dernière se révèle turbulente et bruyante. En l'occurrence, s'il blaguait à propos de la relation entre Castor et Thorn, il ne s'attendait pas à ce que le cadet lui réponde... presque sérieusement ? Ou du moins le plus âgé ignore où est la frontière entre le sarcasme et une réelle déception de la part de son interlocuteur à ce sujet. Il décide donc de ne pas poursuivre dans cette voie, puisque l'élève semble vraiment porter quelque chose de lourd sur le cœur. Curieusement plus attentif et sérieux, Dorémi se redresse sur sa chaise et fait glisser sur le côté les copies qu'il corrigeait.
Oui, il se doute bien qu'il n'était pas venu pour ça. Après tout, il n'allait pas voler le travail du psy de l'école. Cela avait été une façon plus ou moins idiote de demander à l'autre quel était le problème. Il est toutefois assez étonné de voir que le plus jeune voulait réellement parler de musique, mais aussi de cet anarchiste qui tente secrètement de brouiller le système de l'école. Et puis, pour la première fois avec lui, les yeux de Dorémi s'écarquille un peu en entendant l'histoire du petit rouquin. Déjà, qu'il se mette à parler de lui de façon aussi singulière est rare, mais encore plus avec le prof de musique... C'est qu'il doit vraiment être désespéré, le pauvre, se dit Dorémi. Mais après tout, quel enfant ne l'est pas, dans cet orphelinat ? Ils sont nombreux à avoir eu un passé compliqué, et encore plus à avoir des problèmes encore aujourd'hui qui les hantent. La surprise du barbu passée, ce dernier se remit plus confortablement dans son fauteuil. Il aurait bien pris un peu d'alcool avant d'entamer une conversation pareille.
« Eh bien, eh bien... C'est intéressant, tout ça. »
Et il le pense. C'est réellement intéressant. Cela veut dire que la musique résonne en Thorn d'une manière unique, et ça, il ne peut qu'en être plus heureux pour lui.
« Mais que Red soit d'accord ou non, cela n'engage que toi. C'est ta vie qui est en jeu. »
Dorémi n'irait pas remettre en question le fonctionnement de l'école car c'est une carpette opportuniste, mais il considère que l'intimité des élèves, à partir du moment où ça ne les met pas en danger, ne concerne qu'eux-mêmes. Les adultes, de leur côté, ne peuvent que les soutenir lorsqu'ils entendent leurs appels.
« Moi, je veux bien t'aider, mon gars. Mais... Tu sais, des morceaux de musique, y'en a toute une tripotée, alors là, tout de suite... Ça va pas être une mince affaire. »
Et il ne lui apprend sûrement rien. Sincèrement, le trentenaire est plus que partant pour éclaircir un peu le passé de son étudiant avec lui. Mais il est bien placé pour savoir qu'il est impossible de ne sortir 'qu'une musique', sans plus de détails que cela. Il y en a tellement. Et la demande de Thorn, si elle n'est pas dérisoire, offre un champ de possibilités quasi infini.
« Tu as peut-être des indices ? Rien qu'au niveau du genre, je veux dire... Tu as le classique, le jazz, la pop, le métal... Il y en a peut-être une qui t'attire plus que les autres ou qui te rappelle vaguement quelque chose. »
Les traits tirés par un sérieux et une concentration que peu de gens à l'orphelinat ont témoigné jusque là, Dorémi sent qu'il y a réellement quelque chose à tirer du passé de Thorn, pour peu qu'ils cherchent ensemble. Et réellement, en dépit de ce qu'il dit et de ce qu'il laisse paraître, il serait satisfait de l'aider et de lui rendre utile.
La colère était pourtant habile conseillère, mais ce n'était guère elle qui le guidait à présent.
Face à Dorémi, la porte derrière lui et l'enseignant devant, celui qui savait qu'il s'appelait désormais Terrence était comme un lion en cage, un drôle de petit lion mi dragon avec les naseaux pleins de fumée, pour autant qui n'avait pas vraiment d'intentions violents, calmes, malgré le stress et l'envie de savoir.
Jusqu'à entendre les paroles de Dorémi, le heurtant à un mur auquel il avait déjà pensé, mais dont il se disait qu'il ne devait pas être si haut.
Comme s'il était en proie à une profonde réflexion, Thorn regarda en l'air, pensif. Il avait l'air de réflexion, de vouloir percer ce grand blanc qui séparait ses souvenirs de jeunesse des autres, durs et rudes, dans une forêt en plein hiver.
Le garçon tira une chaise, toujours pensif, se concentrant non plus sur les souvenirs perdus mais sur les fois où il avait été proche de défoncer Dorémi ou un de ses camarades. Il y avait bien eu la fois où Yin s'était mise au piano pour jouer, où il l'avait arrêtée bien avant, mais c'était plus parce qu'il pressentait une catastrophe qu'autre chose (et qu'il était de mauvaise humeur.) Sinon, il y avait tous ces cours, les fois où il s'était levé pour se tirer, où ça lui avait vrillé aux oreilles et défoncé son cerveau.
« Je pense pas que ce soit de la musique actuelle. Je veux dire, enfin...j'en ai écouté un peu. », ben quoi, il n'allait pas dire qu'il s'était rendu aux fameuses soirées de Billy, ce type était un prof, tout de même ! « Enfin quand je me mettais en colère, c'était souvent que il y avait du classique. Je sais pas, Mozart, Beethoven, Debussy, c'est à peu près la même came, non ? »
Non, il le savait que ce n'était pas la même came, d'ailleurs, il se mordit le pouce. Ce genre de morceaux l'agaçaient, le stressaient, l'angoissaient.
« Enfin c'est pas comme si je m'en foutais vraiment hein. J'ai dû faire pour vous un nombre de dissert' astronomique à ce sujet, mais les écouter...J'peux pas. »
Thorn soupira, ne sachant pas vraiment comment se comporter à présent.
« Sinon, pour Hook...il y a des gens qui connaissent nos noms ? Car je lui ai parlé, je me posais des questions. Je crois que je peux pas la ou le piffer, mais...mais Hook connaissait mon nom. Comme si il avait accès aux dossiers. J'ai trouvé ça flippant, comme si ce nom avait vraiment une telle emprise sur moi. »
Il l'aimait bien, en fait, Dorémi, à la réflexion. Et s'il ne pouvait pas le supporter auparavant, c'était probablement parce qu'ils avaient quelque chose d'assez irritant dans leurs paroles, leurs provocations. Thorn détourna le regard, rosissant de se découvrir une telle faiblesse.
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Dorémi
Ven 25 Juin - 12:47
La même came ??? Le professeur manque de s'étrangler, avant de reprendre contenance. Qu'on ne lui dise pas que toutes les leçons qu'il leur a donné n'ont servi à rien, tout de même ! Mais bon, il n'était pas là pour parler de ce que l'adolescent a retenu de ses enseignements. Cela le blase, mais il lui pardonne de ne pas être un fin connaisseur ; il ne peut pas demander à tout le monde de retenir tout ce qu'il leur apprend. La musique est un art infini qui ne cesse de s'étendre et d'évoluer, après tout. L'important, en outre, est ce que lui raconte le jeune rouquin, et le plus vieux mettra de côté le fait que le nombre de disserts dont il parle est bien justement là pour qu'il retienne quelque chose. Ce n'est toutefois pas en qualité de professeur que Thorn est venu le voir, mais en celui de musicien et musicologue. Et pour parler de Hook. Il en a l'air perturbé, le jeunot. Beaucoup de choses semblent le travailler, et plus il parle, plus Dorémi se fige. Puis, quand il a fini, il ne peut empêcher un gloussement de s'échapper de lui.
« Héhéhé... Tu commences à piger. »
Un rictus narquois aux lèvres, on pourrait presque entendre le son d'un engrenage qui s'est finalement décoincé pour se remettre en marche.
« Vous obliger à porter un nom différent devrait déjà vous mettre la puce à l'oreille dès que vous êtes en âge de comprendre. »
Lui, ce n'est pas pareil, il est joliment payé pour ça, alors il ne se plaint pas. L'aîné à la barbe mal rasée n'a jamais été en quête de justice. Juste d'aisance qui lui permette de pouvoir vivre confortablement et de se faire plaisir. Mais même lui a remarqué que quelque chose était bien louche dans l'histoire de Prisme. Alors si les élèves veulent faire leur petite enquête, grand bien leur fasse, tant que ça ne met pas en danger son salaire.
« On ne ferait pas ça si on ne cherchait pas à garder un certain contrôle. Pour le reste... Je ne crois pas avoir le droit d'en parler. »
Il est toutefois inutile de mentir à quelqu'un comme Thorn qui a cette soif de découvrir la vérité. Tôt ou tard, à ce rythme, Dorémi est persuadé qu'elle finira par sortir, que ça soit par leur biais ou par celui de la directrice si un jour elle passe finalement aux aveux. Il ne l'avouerait pas, cependant, mais cela l'ennuierait qu'il arrive quand même quelque chose à ses petits protégés. À force de trop vouloir s'approcher du soleil, ils finiraient par se brûler leurs ailes de chérubins.
« Bien ! Si tes souvenirs aiment le classique... et la pizza... Ils vont adorer les Quatre Saisons de Vivaldi. »
Reprenant la conversation et la raison principale de la visite du cadet, l'unibrassiste reprend son sérieux -et son portable- avant de balancer dans l'enceinte (pas trop fort non plus) le fameux morceau du compositeur italien (roux lui-même, d'ailleurs, c'est fou). Ou plutôt les morceaux, puisque qu'il y a bien quatre saisons dans les Quatre Saisons. Ainsi passent à tour de rôle l'été, l'automne, l'hiver, et enfin le printemps, sans doute le plus célèbre, dans des concertos de musique qui laissent toujours Dorémi rêveur même s'il les connaît sur le bout de l'oreille et des doigts qu'il lui reste. Il est probable, selon lui, que la musique qui saura éveiller les sens et le subconscient du jeune homme à la chevelure flamboyante est un morceau connu. Après tout, on les entend partout ; cela peut être autant un déclencheur que quelque chose de confus, mais le risque vaut le coût d'être tenté.
Relou, agaçant. Thorn lui aurait bien mis son poing dans la figure, l'aurait insulté et aurait eu plaisir à voir un mince filet de sang à couler le long de sa lèvre.
Ses poings d'ailleurs se serrèrent alors qu'il le fusillait d'un regard insolent, le menaçant de le narguer une nouvelle fois sur une explication qu'il finissait par ne pas finir.
Il était sur le point de lui dire d'aller se faire foutre et qu'il se doutait bien que l'utilisation de pseudonyme venait du fait que l'orphelinat était financé par des organismes relativement secrets qui désiraient leur procurer une nouvelle vie potentiellement anonyme alors que l'homme ouvrit de nouveau la bouche pour dire une connerie de plus.
À la mauvaise blague, Thorn grogna.
« Putain. », jura-t-il.
La musique commençait à résonner dans la pièce, un morceau de Vivaldi qu'il avait déjà dû leur faire étudier en cours, un truc qui transcendait l'homme à un bras mais qui le laissait de marbre.
Il se souvint brièvement de Yin, du piano, de la pluie et de la sensation de son poing sur la joue de la fille et dût se retenir pour ne pas attaquer de la même manière le prof. Mauvaise idée, il aurait beaucoup plus de problème qu'avec cette nana, même chef de Saturne, qui, fort heureusement, se la fermait.
Malheureusement, il était un fait établi qu'il était venu de lui-même, que la musique continuait d'être diffusé et qu'il aurait été parfaitement débile de gueuler contre le prof alors que c'était lui-même qui avait voulu ça. Pour éviter de continuer de dormir dans les branches d'un arbre, ou d'avoir peur de la pluie. Ou encore de ne plus douter de ses propres souvenirs.
La musique le faisait trembler et Thorn resta debout face à Dorémi, la main légèrement tremblante, brûlante de foutre un coup sur le téléphone pour le dégommer. Et si ça se trouvait, son malaise n'avait rien à voir avec la musique et il était juste en train de se faire du mal pour rien ? Et s'il n'aimait juste pas ça.
Merde.
« Pas ça. Mais ça fait chier. C'est vraiment de la merde votre truc. C'est tellement chiant qu'on dirait que le type qui a composé cette connerie était manchot. »
Il parlait mal, il disait des conneries et était intransigeant avec les gens.
Il ne sut plus trop pourquoi, mais à ce moment, quelque chose de piquant lui revint en tête, comme un léger souvenir, une voix féminine qui le grondait : « Terrance, arrête d'être vulgaire ? Où donc as-tu appris ces mots ? »
Le garçon en fut soufflé. Il lança un regard à Dorémi, peinant cependant à lui avouer que la technique, quoiqu'un peu bâtarde, fonctionnait.
« C'est pas ce morceau, il craint. Même s'il me donne envie de vous shooter très fort dans l'autre bras. Mais y'a un truc. »
Thorn se dirigea vers l'intérieur de la salle de classe et, tranquillement, alla s’asseoir sur une chaise, regardant le rouquin qui avait la terrible tâche de faire ça.
« C'est arrivé comment ? Le bras, j'veux dire. Un piano à clapet s'est fermé dessus ? »
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Dorémi
Ven 10 Sep - 17:16
Il sent que Thorn est soûlé. Il le sait. Difficile de ne pas le voir, en même temps, il est manchot, pas aveugle. Et ça le fait sourire d'un air amusé. Pour autant il reste muet, attendant que la réaction de l'adolescent change, se transforme. Il veut voir si la musique lui fait de l'effet, si la mélodie lui parle, si les notes provoquent chez la réminiscence qu'il attend. Et l'adulte prend l'agacement de l'adolescent comme un signe que ça semble fonctionner. De son point de vue, sinon, il aurait juste eu l'air ennuyé. Mais cela réveille sans doute quelque chose, ou du moins un début. Dorémi manque même de grincer des dents quand le plus jeune ose lui dire qu'il trouve ça chiant et n'hésite pas à dénigrer le célèbre compositeur italien. Il déteste bien sûr qu'on crache sur la musique mais ne dit rien pour le moment, ne voulant pas rentrer dans le petit jeu du cadet. Ce n'est pas ce dont ce dernier a besoin, il le sait. Le professeur a beau être bon musicien, cependant, on ne peut pas en dire autant de ses méthodes pédagogiques qui laissent encore parfois à désirer, et Thorn en sait quelque chose.
Un sourire plus mince se dessine sur ses lèvres lorsque l'autre lui avoue qu'ils tiennent peut-être une piste. Il arrête donc le morceau pour chercher dans sa playlist des morceaux qui pourraient éventuellement lui parler davantage ; même si le genre classique s'est développé de mille et une façons durant son âge d'or et qu'il étonne encore aujourd'hui. Finalement, le rebelle aux longs cheveux carmin s'assoit dans la salle et Dorémi reprend une expression neutre et pensive au moment où il lui demande l'origine de son handicap. En silence, il ne répond pas tout de suite et se penche un peu plus sur son fauteuil, les yeux au plafond.
« Je suis tombé des escaliers. »
Dit-il simplement avec l'air le plus sérieux du monde. Ce n'est pas un souvenir qu'il aime à se rappeler, même si ça ne lui a jamais retirer le goût de la navigation et de l'océan. Bien sûr, c'est un mensonge si évident que Thorn n'aura aucun mal à le reconnaître. Alors, lentement, sans même regarder le téléphone, il laisse son index appuyer sur l'écran du portable pour enclencher une nouvelle musique. Plus douce. Moins dynamique mais pas moins dénuée de sentiments, du moins aux yeux du plus vieux. 'Jésus que ma joie demeure', de Bach. S'il préfère les morceaux plus endiablés, son accident lui a fait aimer les compositions plus lentes. Il apprécie particulièrement celle-là. De plus, il est tellement populaire qu'il est repris à peu près partout. Dorémi mise sur le fait que Thorn l'aura forcément entendu quelque part pour que des bribes lui reviennent peut-être, avec de la chance. En tout cas, c'est bien reposant. Et alors que la musique démarre, le regard de l'enseignant dévie vers son élève, toujours stoïque.
« Une murène m'a bouffé le bras. Et quand une murène te bouffe le bras, t'as pas le choix. Tu coupes. »
Et ça l'a bien fait chier. Pour un musicien, quoi de plus normal, surtout les pianistes qui ont quand même plus de facilité à jouer avec leurs deux mains. Alors bien sûr, depuis, il arrive à faire sans parce qu'il s'est entraîné. Mais ça signifie pas que c'était simple.
« Tu vois, y'a des souvenirs qu'on préfère oublier. »
Il soupire en silence. C'est la vie, se dit-il très souvent pour ne pas déprimer, même si ça n'empêche pas les séances chez le psy auquel il ne va pas. Mais malgré ce qu'il fait subir à ses étudiants, ils lui permettent étrangement de relativiser et de se dire qu'il peut encore faire quelque chose de ses cinq doigts. Au moins essayer de faire en sorte qu'ils gardent les dix qu'ils possèdent encore.
« Vivaldi était roux. Comme toi. Mais au lieu de faire des bêtises, il composait des chefs d'œuvre. Remarque, l'un n'empêche pas l'autre. »
Il hausse les épaules.
« Qui sait... Un grand avenir t'attend peut-être malgré tout. C'est ce qu'ils promettent ici, pas vrai ?.. »
Faire admettre des petits génies pour en faire l'avenir du pays. Dorémi se demande bien pourtant quel genre d'avenir est réservé à Thorn par le futur.
« … Qu'est-ce que tu veux faire, plus tard ? »
Si même en soit le concerné aurait un rêve à réaliser.
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