Une énième tasse de café à la main, elle observe avec un intérêt non dissimulé ceux qui évoluent dans cet empire de culture. Le développement d’une forme de résignation face à l’absence de ses favoris la chamboule profondément. Elle rejette en bloc cette impression de devenir trop humaine.

Son cerveau, par pure contradiction, la pousse à envoyer un message à Eden.
Déraisonnable au possible, il lui renvoie les images précises d’une fin de semaine arrosée, des verres d’alcool qui s’enchaînent aux remarques acérées. Puis rien, de simples brides d’une nuit pour se réveiller dans des draps froissés.
Elle étouffe de tant d’humanité.

Elle rejette en bloc l’idée première.
Il n’y aura pas de message, pas de propositions de rejoindre les collègues. Elle restera jusqu’à vingt-et-une heures dans cet orphelinat de malheur, elle passera ses nerfs sur Thorn auquel l’insolence et l’incompétence ont valu une semaine de colle. Et elle rentrera dans la solitude de son appartement.
Seule avec ses livres comme uniques amants.

L’arrivée de l’élève coupe son cheminement de pensée, la pousse à revoir ses priorités actuelles. La première de couverture du livre sur le retour l’interpelle, et alors seulement elle relève les yeux vers l’enfant qui se tient devant elle.

Elle reconnaît Ruby, la petite bombe aux élans révolutionnaires.
Cette gamine énervée qui fait trop de bruits à prisme pour ne pas avoir été remarqué. Cette gamine qu’elle surveille, recrue potentielle dès qu’elle sera plus vieille. Pour l’instant, l’enfant ne semble être que colère. La nécessité de transformer cette force brute en une substance complexe utile à la lutte est une évidence pour celle qui porte le masque de hook.
Mais Ruby est encore trop jeune, trop brouillon, une âme insurgée au milieu de moutons.

▬ Lecture intéressante, bien qu’inattendue. Est-ce qu’ailleurs il serait inquiétant de voir un gamine de onze ans lire les fondations de la révolution ? Dis-moi donc Ruby, pourquoi une enfant de ton âge choisit-elle des lectures aussi subversives ? C’est pour les cours ?

Fever plaidera non-coupable.
Et pourtant, elle est bien la responsable de cette entreprise. Des livres de théories révolutionnaires qui traînent régulièrement dans la bibliothèque de l’orphelinat. Son attrait poussé pour l’histoire des révolutions lui a permis qu’un mouvement ne peut se créer sans personnes instruites, garantes d’une forme première et instable de connaissances insurrectionnelles.
Les bases prédominent, la société de demain reste à construire.