Thorn s'était lui-même donné le défi du jour. Celui-ci avait consisté en une provocation en bonne et due forme de ce petit malin de Dorémi. Il fallait dire que le professeur de musique s’insupportait de plus en plus et que ce devoir en compagnie de Sun, suivi de cette prestation à la flûte n'avait rien arrangé dans tout ça. Si l'épine ne se serait pas permise de gâcher une intervention qui serait par la suite notée, il avait décidé d'être beaucoup plus joueur sur un autre point.
Et ça tombait bien, car ça lui rapporterait probablement des points sur son compte, lui permettant de repasser en tête des défis du Caskidthornshow (c'était un peu long comme surnom, mais osef, il venait de l'inventer dans sa tête, il trouvait plaisant d'imaginer qu'ils étaient une espèce de bande, de crew dont le devoir était d'agir contre les professeurs.)
Thorn était donc arrivé en cours parfaitement normalement. Les cheveux relâchés comme à son habitude, il avait soupiré lorsque Dorémi lui avait demandé de venir sur scène pour jouer de son morceau. Le rouquin, vêtu d'une veste qui cachait le fameux tee-shirt, avait d'abord grimacé pour laisser penser au vieux Dorémi qu'il avait oublié le show, puis avait sorti sa flûte, s'était levé et déboutonné puis retiré sa veste.
Le tee-shirt en question était blanc, assez élégant. Étaient inscrites par dessus des lettres claires et en français « pas d'bras pas d'chocolat ». Il n'était pas sûr que le professeur comprendrait, Thorn ne savait pas s'il comprenait cette langue, mais faute de transcription en anglais, ils feraient avec...dans tous les cas, même s'il se faisait coller, il serait tellement heureux de l'avoir provoqué que le jeu en vaudrait bien la chandelle. Et puis en même temps, vu son handicap, y'avait 90% de chances pour que quelqu'un lui ait fait la blague un jour.
Rapidement, avant de se faire reprendre, Thorn entama une version de la voix principale du Lac des cygnes enchanteresse. C'était de la flûte, donc pas génial, mais franchement bon par rapport à ce qu'on avait l'habitude d'entendre dans cette classe.
Lorsqu'il eut fini de jouer, il sentit que le vent allait tourner.
« Oh oh. »
Donc le lendemain, 18 h, Thorn était devant cette même salle de musique dans laquelle il avait pu faire ses exploits. Il entendait encore le rire des élèves de sa classe, le sien, avant que tout ne déconne. Habillé normalement, cette fois-ci, le rouquin soupira, peu enchanté pourtant de devoir se taper de longues heures de colle en compagnie du vieux.
Ce type avait un truc – à juste raison sans doute – contre lui. L'attendant – serait-il seul ? - Thorn se posa contre le mur. Par pitié, il espérait de toutes ses forces ne pas devoir écouter des morceaux ultra chiants alors que tous ses camarades pouvaient jouer à l'extérieur. D'ailleurs, il espérait de toutes ses forces que ce vicieux ne baisserait pas les stores, qu'il puisse au moins jeter un coup d’œil aux arbres, ces beautés qui l'appelaient de toute leur âme.
Assis sur l’un des divans de la salle commune, Knight lisait paisiblement avant sa colle de la soirée. Il n’avait plus beaucoup de temps devant lui et souhaitait terminer le chapitre. Comme à son habitude, Maelstrom était allongée la tête sur les cuisses du garçon et s’apprêtait à s’endormir. Du bout du doigt, elle toqua doucement le livre une première fois. Puis une seconde. Elle répéta le geste jusqu’à avoir l’attention de Knight.
“ Oui Maelstrom ? Que puis-je faire pour te satisfaire ? ” grogna-t-il une fois sa page terminée. “ Pourquoi t’as une colle avec Dorémi ? ” “ Mauvais endroit, au mauvais moment. C’est une longue histoire que je te raconterai plus tard. J’dois y aller alors bouge un peu. ”
Sans surprise, la jeune fille protesta, mais obtempéra. Elle roula sur le côté, libérant ainsi son ami. Celui-ci glissa un coussin sous la tête de la brunette et récupéra son cartable. Un dernier signe de main à Ghost au piano et il traîna les pieds jusqu’à la salle de musique. Évidemment, il s’y rendait avec peu d’enthousiasme. Il avait l’habitude des colles. Knight avait sa carte de membre depuis son arrivée au pensionnat. Toutefois, celle de ce soir l’emmerdait plus qu’à l’habitude, car il la considérait injuste.
Alors qu’il était en retard pour son premier cours de la journée, il échappa sa tasse de café au milieu des escaliers. L’adolescent tenta tant bien que mal d’éponger le dégât de feuilles issus d’un cahier, ruinant ainsi sa partition annotée d’une des suites pour violoncelle de Bach. Oups. Ralenti par les événements, il se dépêcha vers sa salle de cours pour s’arrêter à nouveau en tournant un coin. À quelques pas de lui, deux membres du corps enseignant discutaient à voix basse. Knight recula rapidement afin d’être caché par le mur, son oreille attentive malgré lui à la conversation.
“ Oh shit “ dit-il silencieusement face aux informations qu’il entendait.
Mots qu’il répéta en voyant Dorémi au bout du couloir. Quoi faire ? Où aller ? Knight évalua rapidement les options et il tenta de reprendre les escaliers vers les dortoirs. Le professeur fut plus rapide que lui. Sa main lui bloqua le passage et le garçon ne put que lui jeter un regard désolé lorsque les deux collègues reprirent leur chemin, ignorant qu’ils venaient d’être espionnés. Malgré ses explications, puis ses protestations et ses jurons, Knight ne put s’éviter les heures de colle.
Ainsi, il se présenta à la salle quelques minutes avant l’heure. L’Écossais fronça des sourcils en voyant Thorn à l’entrée de la pièce.
“ Ne me dit pas qu’on est partenaire de colle. Dorémi est pas si sadique que ça. “
Place dans le classement : number one des profs chiants
Messages : 106
Dorémi
Mar 29 Déc - 13:08
On pourrait croire que ça l'amuse, le Dodo, de mettre des heures de colle aux élèves disciplinés. La vérité c'est qu'il préférerait éviter d'en arriver à là, mais il n'est que peu surpris d'avoir quelques éléments perturbateurs dans ses cours. Après tout, aucune classe n'est parfaite, encore moins quand elle est composée de génies. Ceux-là, ce sont les pires. Mais même le rouquin préfère éviter de parler de 'surdoué.es'. Lui-même se considère plutôt avant tout comme un virtuose. Il ne veut pas croire qu'il y ait à la naissance des gens nécessairement plus 'doués' que d'autres. N'importe qui peut l'être avec les moyens et les efforts, de son point de vue. Et des efforts... Il a bien remarqué que certain.es n'en faisaient pas beaucoup, à l'image de Thorn qui a tendance à perdre ses partitions et à enchaîner les vannes peu drôles pour amuser la galerie. Pour Dorémi, ce n'est que l'expression d'un mal-être en lien avec l'établissement. La plupart des adolescents du lieu ont connu des choses peu faciles et se sont retrouvés ici sans forcément qu'on leur demande leur avis. Alors à ça, qu'est-ce qu'il reste ? Se faire remarquer d'une façon ou d'une autre. Ou alors ils sont juste totalement cons. A voir. On peut être un génie et un con, l'un ne va pas nécessairement sans l'autre. Paradoxalement, c'est une question de savoir ne pas prendre la grosse tête... Et de ne pas trop faire le malin en faisant une sale vanne à son professeur de musique. Par rapport à d'autres matières, Dorémi sait qu'il n'a pas forcément la plus aimée, encore moins si c'est lui qui dirige le cours. Malgré tout, cela ne l'empêche pas d'y mettre réellement du sien, et même sans compter le chèque qui l'attend à la fin du mois. Il espère quand même pouvoir apporter un petit quelque chose à ses élèves. Et si ce n'est pas le goût de la musique, ce sera peut-être celle de la discipline. S'il tape métaphoriquement très souvent sur Thorn (on a tous nos 'chouchous'), il est en 'bonne' compagnie aujourd'hui puisque Knight l'a rejoint. Ce dernier n'est en effet pas en reste, à jouer les espions alors que c'est un vilain défaut. Alors qu'il a les deux adolescents dans son champ de vision et que ces derniers discutent, il arrive comme une ombre derrière eux avec un grand sourire.
« C'est mal me connaître. »
Pas si sadique que ça ? Lui ? Bah voyons. Est-ce qu'ils sont aussi naïfs ?
« Je vais commencer à croire que tu m'apprécies réellement, Thorn. Tu sais, si tu veux des cours particuliers, ça peut s'arranger. »
Son regard ambré passe sur le rouquin plus jeune alors qu'un rire rauque lui échappe. Puis, il se fixe du coin de son œil blessé sur le noiraud.
« Knight, c'est plus rare... Mais on aurait dû t'apprendre que c'était mal, d'écouter aux portes. »
Les espions, il déteste ça. Sauf quand c'est lui qui prête l'oreille, évidemment. Hypocrisie, quand tu nous tiens... Mais il estime qu'il n'est pas toujours sain de se mêler de ce qui ne nous regarde pas. Pour lui qui se veut attentif aux besoins secrets des élèves quand ils souhaitent se confier à quelqu'un (qui ne soit pas un psy un peu chelou), c'est important que tout reste dans le privé et l'intimité la plus totale.
« Allez, entrez dans cette salle, on va passer un formidable moment tous les trois. »
Dit-il en ouvrant ladite salle de musique en question. Cette dernière dispose de fenêtres avec une vue sur le beau jardin de l'école. Quand il est d'humeur, Dorémi aime jouer et surtout faire jouer les adolescents à l'extérieur. Aujourd'hui, toutefois, il n'en sera pas question ; ce ne serait pas vraiment une punition, sinon... Alors il baisse les stores pour être sûr que les deux garçons soient bien concentrés, leur évitant ainsi de se focaliser sur autre chose. La pièce est d'ailleurs dans une pénombre quasi totale. Cela n'empêche pas le manchot d'allumer l'enceinte pour y diffuser le Canon de Pachelbel avant de s'asseoir sur le bureau (oui, les chaises c'est démodé).
« Bon, maintenant vous allez écouter ce morceau en me disant le titre et ce qu'elle vous fait ressentir. »
Il n'y a pas plus bateau comme question, mais au moins... ça occupe. Du point de vue de Dorémi, bien sûr, ce n'est même pas une punition mais plutôt un cadeau qu'il leur fait.
Lorsque Thorn vit apparaître Knight dans son champ de vision, il ne put s'empêcher de pousser un grognement sonore qui n'appartenait qu'à lui. Évidemment qu'il connaissait son camarade, ce n'était pas comme si ils n'avaient pas botanique ensemble. Il était moins pire que Five (tout le monde était moins pire qu'elle, c'était une évidence), mais restait tout juste supportable pour un Thorn en pleine crise d'adolescence qui se contenta d'ailleurs de lui accorder une joli doigt d'honneur juste avant que Dorémi n'arrive et ne leur révèle leur sentence.
Dorémi savait ce qu'il faisait, Dorémi était sadique comme pas deux et la seule idée de les savoir tous les trois réunis dans la même colle devait bien le faire rire intérieurement.
Pas Thorn.
Le garçon aurait apprécié se trouver à l'extérieur, dans un arbre, ou juste à l'extérieur en sentant le vent couler sur sa peau. Nerveusement, il observa le professeur de musique fermer les stores de la salle pour faire ce qu'ils appelaient « une atmosphère qui les aidait à se concentrer ». Atmosphère, tu parles, ça n'empêcha pas Thorn se s'asseoir vers une fenêtre au fond de la salle, vers un endroit où un petit millimètre de jour pourrait percer et lui montrer le vert des arbres.
Jusque là, il s'était retenu d'insulter le prof, ou même son camarade, il avait été relativement calme, faisant tout ce qu'on lui demandait. Ses doigts enroulaient nerveusement une de ses mèches de ses cheveux, le faisant paraître beaucoup plus bouclé qu'il ne l'était en réalité, lorsque retentit le canon de Pachelbel. Ce n'était pas comme si Thorn ne le connaissait pas, pas comme s'il ressentait vraiment des choses en écoutant ce morceau, mais Dorémi attendait sans doute une toute autre réponse et il ne les laisserait sans doute pas tranquille avant qu'il lui dise « oh, je trouve ce canon absolument captivant et il me donne envie de l'écouter les yeux fermés pour mieux entrer en résonance avec ! »
Il attendit tout de même la fin du morceau pour rendre sa performance crédible, puis ouvrit la bouche, ses doigts s'agitant toujours dans ses cheveux.
« Beaucoup de répétitions, ce qui me fait penser qu'individuellement, jouer la partition doit être particulièrement chiant pour le musicien. Mais collectivement, la performance est incroyable. Il porte bien son nom de canon, on a envie de le réécouter en boucle. »
Mon dieu, pourvu qu'il ne le prenne pas au mot et qu'il ne leur fasse pas faire ça jusqu'à la fin des temps, ce serait le comble, il se détestait lui-même d'avoir pu dire ça et ses doigts s'agitaient de plus belle dans ses cheveux, stressés. Il y eut le bruit du vent à sa droite, comme une bourrasque, et le rouquin tourna immédiatement la tête vers, perturbé par cet élément inattendu. « ...Me dites pas que...on va devoir le jouer ensemble ? », dit-il, soulevant un sourcil avant une nervosité visible. « Je m'excuse, c'est bon ? »
Roulement de yeux et soupir. L’accusation d’espionnage n’étonnait pas Knight et argumenter à nouveau avec le professeur n’apporterait aucune amélioration à sa situation. Autant discuter avec un crocodile affamé. Puis, une fois la colle terminée, cette histoire d’ “écouter aux portes” serait derrière eux. Après tout, expliquer devant Thorn que des membres féminins du corps professoral discutaient ouvertement de leurs menstruations au milieu du corridor - et ce, de manière très imagée - restait de mauvais goût. En aucun cas, l’adolescent n’irait répéter que Miss Lily pouvait remplir mensuellement un seau de son fluide biologique. L’information l’avait surpris. Dégoutante, certes, mais elle restait surprenante. Jamais Knight n’avait réfléchi à la question des menstruations des filles. Pourquoi l’aurait-il fait ? Il savait que c’était chiant. Maelstrom se plaignait parfois de maux de ventre, sans pourtant aborder le sujet en profondeur. Mille et une autres options s’offraient à leur amie pour se genre de conversation. Néanmoins, à bien y réfléchir, un seau semblait exagéré. Surtout en considérant que le corps humain contient entre 5 et 6 litres de sang. Ainsi, Miss Lily ne pouvait qu’avoir amplifié son malheur. Exagération ou non, Knight n’en parlerait certainement pas devant son camarade de classe.
Ce fut donc les bras croisés et sans un mot que l’Écossais suivit son professeur dans la classe. Par instinct, il se dirigea vers son violoncelle. Il se ravisa au milieu de la classe et transforma son mouvement. Knight attrapa le dossier d’une chaise qu’il traîna jusqu’au devant de Dorémi. Son sac tomba à ses pieds et il prit place.
Écoute musicale, son plus grand plaisir dans la vie. Not. Les premières notes du Canon per tre Violini e Basso ou mieux connu comme Canon de Pachelbel. Les yeux fermés, il écouta la pièce. Sa main bougeait légèrement au rythme de la musique, imitant le mouvement d’un archet invisible. De son autre mains, il pianotait les accords sur sa cuisse.
Une fois le morceau terminé, l’adolescent ouvrit les yeux. Thorn s’exprima en premier et Knght sourit, narquois.
“On appelle pas ça un canon parce qu’on veut l’écouter en boucle. Pour te l’expliquer simplement, c’est une composition musicale où plusieurs voix jouent ou chantent un même mélodie avec certaines variations. Celui qu’on vient d’entendre a trois voix plus celle des bases. C’est le classique des classique.”
Thorn l'emportait peut-être en botanique, mais clairement, il n’avait rien d’un Mozart.
“ Pour ça, faudrait que t’es du talent. “ grommela-t-il sans même se retourner.
Quelle idée. Faire un duo avec Thorn lui semblait aussi réaliste qu’apprendre la gentillesse à Crow.
“ Pardon M’sieur, mais j’vois pas le but de l’exercice.”
Place dans le classement : number one des profs chiants
Messages : 106
Dorémi
Sam 13 Fév - 3:08
Presque les doigts de pied en éventail, le professeur de musique s'installe sur son siège de bureau, ou plutôt s'étale dessus de manière décontracté comme s'il avait eu une grosse journée de travail. Les yeux fermés, un sourire satisfait aux lèvres, il se laisse bercé par la musique, oubliant presque le 'devoir' qu'il a donné à ses élèves collés. Encore qu'il se trouve gentil, il aurait pu leur passer des trucs vraiment mauvais. Lorsque le morceau se finit, c'est le moment que choisit Thorn pour exprimer son point de vue -à moitié honnête- afin de se débarrasser au plus vite de la consigne. Son visage devenu tout à coup blême face à la suggestion qu'il vient d'émettre, le rouquin mal rasé se contente juste de pouffer. Beaucoup plus sérieux, Knight laisse parler ses compétences relativement poussées en musique, visiblement blasé par tout ceci. Aussitôt, Dorémi cesse de rire et dévisage le brun avec un air contrarié.
« … Quel but ? Vous êtes pas capable d'écouter une musique sans essayer de lui trouver un sens ? »
À la limite de dire 'quoi, on peut plus écouter de musique en paix ?'. Il se servait un peu de l'argument de l'écoute de la mélodie pour se détendre lui-même. Simplement entendre une musique aussi paisible que celle-ci suffit à l'apaiser, alors il aurait pensé que ses élèves auraient reçu le même effet. Mais les paroles de Knight ont tout juste titillé son moignon.
« Hé, WikipéKnight, c'est pas la définition que j't'ai demandé, c'est ton ressenti personnel par rapport à la mélodie. Tu as forcément dû l'apprendre, en plus, non ? »
Il sait qu'il fait du violoncelle. Ce n'est pas passé dans l'oreille d'un sourd et les détails de ce genre dans ce domaine que Dorémi aime tant sont ce qu'il arrive le plus à retenir des élèves en général. Mais s'il y a bien quelque chose qu'il déteste, ce sont les musiciens qui se moquent de ceux qui ne pratiquent pas de musique. Il y a, en outre, une autre raison qui fait qu'il n'aime pas trop quand Knight remet Thorn à sa place.
« Mais si elle te plaît tant que ça, mon p'tit Thorn, on pourra la jouer en classe. Je suis sûr que tu raffoles de la chorale. T'as jamais voulu être enfant de chœur ? »
C'est qu'il estime qu'il n'y a que lui, dans cette pièce qui a le droit de le faire. Et avec un petit sourire en plus de ça.
« Par ailleurs, vous m'avez toujours pas donné le titre du morceau. »
Un formidable moment, c'était une annonce complètement mensongère quant à ces heures qu'ils allaient passer dans une salle de classe fermée à écouter des mecs souffler ou gratter de pitoyables instruments.
Alors, s'il pensait ça de la musique, s'il avait envie, et de toutes ses forces de s'enfuir de cette salle, faisant fi des conséquences, pourquoi avait-il été ému par le Canon ? Pourquoi se sentait-il d'aussi mauvaise humeur lorsque Knight le méprisait ou lorsque passait un morceau.
Thorn se racla la gorge mais ne prononça pas un mot pour l'instant. Ses doigts tremblaient un peu, alors il les remit dans ses cheveux, il lui semblait qu'ils avaient plus leur place à cet endroit, au moins, ils étaient occupés.
Son regard clair et expressif, renvoyant sa détresse sans doute, ne lâchait Dorémi. Il aurait voulu lui envoyer un message à l'aide, le signal que ça n'allait pas, qu'il perdait complètement pied, mais il ne pouvait pas le faire, d'une part par fierté, parce que le professeur de musique n'était pas le genre de professeur avec lequel il aimait prendre du temps, ensuite parce qu'il y avait Knight.
Alors qu'il l'aurait fait en temps normal, Thorn ne rit même pas à la blague sur le surnom de son aîné, pourtant hilarante. Ses doigts ne se crispèrent que plus, et il regarda à son tour le violoncelle comme s'il y avait un danger majeur à l'idée que Knight ne s'en approche. Il lui venait alors des pulsions violentes et destructrices pendant lesquelles il se vit en train de s'approcher de l'instrument fétiche de Knight, le prendre par le manche et le fracasser contre le sol, où ses débris tomberaient avec fracas, ses cordes seraient rompus, il serait incapable de faire le moindre son à part celui des percussions si l'on improvisait un tambour avec le bois restant.
Ce fut de ce doucereux rêve que Thorn s'éveilla lorsqu'il comprit que Dorémi lui demanda s'il avait été enfant de cœur. Oh, il n'avait jamais été du genre à prendre au second degré, et même s'il était clair que Dorémi faisait de l'ironie, Thorn ne l'interpréta pas comme ça.
« Je ne sais pas. », bredouilla-t-il, gêné, comme pris en faute sur un souvenir qui lui manquait, comme tant d'autres, se demandant si c'était un tort, de ne pas savoir s'il avait souhaité quelque chose plus tôt, s'il avait même était enfant de chœur un jour, en tout cas, l'idée de se promouvoir dans une chorale, devant tant de personne ne l'enchantait guère.
« Il s'agit du Canon de Pachelbel, non ? C'est pas que je pense que Knight soit pas au courant, il était trop occupé à ramener sa science. Et tu m'excuseras, mais je joue de la flûte, il nous a appris. », dit-il en montrant du doigt Dorémi, chose qui était franchement impolie.
S'il fallait juste deviner l'identité d'un seul morceau, ils allaient drôlement se faire chier. Thorn se demanda si Dorémi avait dans l'idée de leur en faire écouter d'autre, à moins qu'il ne compte approfondir celui-ci de la pire des manières qui soit : donc en le décortiquant jusqu'à ce qu'il en devienne insupportable.
Thorn soupira, allongea ses bras sur la table, puis y posa sa tête, tentant de garder un œil sur ce qu'il réussissait à percevoir de l'extérieur. Le chant d'un oiseau, les cris d'un camarade qui jouait au football, il ne voulait rien rater de l'extérieur.
« Ca sert à quoi, tout ce que vous faites ? J'pose pas la question pour me foutre de vous hein, malgré ce que vous pourriez penser. Très franchement, tout ça...c'est utile ? Je déteste la musique, ça me donne envie de frapper des gens, par pitié, libérez-nous de cette colle infâme, avant que je ne casse son violoncelle. »
Son doigt se leva une nouvelle fois et désigna Knight.
Dorémi l'emmerdait. Thorn l'emmerdait. Pachelbel l'emmerdait. Cette colle l'emmerdait.
Voilà son ressenti. Knight ne souhaitait pas parler de ses émotions, ni ceux ressentis à l'écoute d'une pièce classique. Ni au prof, ni à l'élève. Pour une fois, ne pouvait-il pas recopier des lignes ou retirer les gommes à mâcher sous les chaises de la salle de musique ? Non, évidemment. Il devait s'ouvrir aux autres, révéler ce qu'il pense et dévoiler quelconque sentiment. Bullshit. Le Canon n'éveillait rien en lui sauf l'exaspération d'une pièce apprise alors qu'il n'avait que cinq ans pour le renouvellement des voeux de mariages de ses parents. Et ce, uniquement pour montrer à tous que les MacGregor étaient parfaits.
Ainsi, il resta muet, lançant un regard noir au prof.
Puis, Thorn révéla apprendre la flûte. Oh wow, la flûte. Devait-il être impressionné ? Son cadet est capable de souffler dans un tuyau muni de trous. Bravo. Un bel intrument pour un enfant. Recevait-il un petit autocollant de lapin après chaque exercice réussit ? D'un autre côté, le rouquin restait dénué de talent. Il n'y avait donc pas d'étonnement dans le choix d'instrument.
Dans un effort pour garder son désintérêt, il s'intéressa à sa chaussette, y retirant des poussières invisibles. Knight ne releva même pas les yeux lorsqu'il menaça Thorn.
"T'y touches et je te casse les doigts. Un à un." lui dit-il d'un ton neutre, comme s'il annonçait la météo de la journée.
Malgré les apparences, le garçon restait attaché à son instrument. La passion qui l'animait autrefois peinait à survire. Toutefois, Knight ne réussissait à délaisser entièrement la musique. Enfant, il adorait jouer. Sentir les cordes vibrer sous son archet le calmait. Il pouvait alors fermer les yeux et se laisser emporter par le son du violoncelle. Aujourd'hui, l'Écossais en jouait sans émotion. Un enchaînement de notes, tout au plus.
Knight releva enfin les yeux vers Dorémi. Il soupira, ennuyé.
"M'sieur, personne souhaite être ici. Thorn, clairement, est traumatisé par la musique. Ça provoque chez lui des pulsions agressives et il devrait consulter l'un des excellents psychologues de l'orphelinat" dit-il avec une pointe de sarcasme. "Vous avez sûrement mieux à faire et j'ai certainement mieux à faire. J'comprends qu'on est en tort et qu'on doit être puni. Toutefois, Thorn meurt sur son bureau a chaque note jouée. Il fait presque pitié. "
Accueil
Dernières images
