L'expression "pourparlers" désigne une série d'échanges écrits ou verbaux entre une ou plusieurs personnes formulés au cours d'une période précontractuelle.
A ce stade la position affirmée par celui qui cherche et celui qui est en mesure de faire l'offre correspondante, ne contient aucune obligation de conclure un contrat.
Il y a deux choses que Muninn ne peut pas laisser passer. Les chaussettes-claquettes, et qu’on menace ses secrets. Et aujourd’hui, elle a décidé de s’occuper de quelqu’un qui en sait beaucoup trop sur elle. Elle savait que son identité de Baby Crow allait forcément être découverte un jour ou l’autre, mais elle n’aurait jamais pensé que ce serait Thorn qui la découvrirait. Et en plus de ça, il avait eu l’audace de la menacer par message ? On ne menace pas Muninn sans en subir les conséquences.
Elle contemple l’intérieur de son casier, se demandant ce qu’elle pourrait bien glisser dans sa poche pour intimider Thorn. Son regard se pose sur une petite dague au manche couleur pastel cachée sous sa trousse à maquillage (que Georges, ce beau gosse international, lui a fabriqué en échange de quelques secrets bien honteux), et elle hésite un moment, avant de se dire que ça ne valait pas le coup de se faire expulser pour possession d’arme blanche et de refermer son casier avec un long soupir. Au final, son regard noir fera sûrement l’affaire. Elle avait décidé de prendre Thorn par surprise, mais s’était ainsi confronté à son deuxième problème: elle n’avait aucune idée de où Thorn pouvait être. Ils n’avaient pas le même emploi du temps tous les deux, et elle ne savait pas vraiment où il aimait passer son temps libre. Elle avait donc décidé de patienter dans un coin du couloir, les bras croisés, attendant que le roux fasse son apparition. Il allait forcément passer par là à un moment ou un autre.
Elle préparait ses menaces dans sa tête quand soudain, une tête rousse fit son apparition. Ni une ni deux, elle surgit de son coin sombre pour lui choper le bras, et l’entraîne dans les escaliers menant à la cave pour plus de discrétion.
“Bien, il est temps qu’on parle, toi et moi.” annonce-t-elle en croisant les bras, contente de constater qu’elle avait bien attrapé la bonne personne, et non pas un pauvre élève roux random qui n’avait rien à voir là-dedans. Maintenant venait la partie la plus difficile. Parce que dans cette situation, Muninn est clairement désavantagée: Thorn pourrait à tout moment décider de dévoiler son identité à tout le monde, ou de s’en servir pour lui faire du chantage. Mais hors de question de lui montrer qu’elle va se laisser faire, non. Il faut lui faire oublier qu’elle est clairement en position de faiblesse, ici.
“Si tu pensais que c’était une bonne idée de me menacer par message, tu te trompes.” elle lui lance un regard noir sans vraiment savoir s’il fait effet, parce qu’il fait plutôt sombre en fait, dans cette cave. “Parce que je sais en faire moi aussi, des menaces. Je pourrais créer une rumeur si horrible que tu n’oserais même plus sortir de ta chambre.” Maintenant, il s’agit d’amener subtilement le sujet des négociations. “Si tu voulais me dénoncer, tu l’aurais déjà fait. Alors si tu m’as envoyé ce message, ça veut dire que tu veux quelque chose en échange de ton silence. Qu’est-ce que tu veux, alors ?” demande-t-elle en plissant les yeux, non seulement pour le petit effet méchant, mais aussi parce qu’elle y voit pas grand chose, bordel.
« ...putain mais il s'passe quoi là ? », glapit-il.
Thorn avait pourtant laissé, en cet après-midi presque tranquille, ses camarades tranquilles. Il se promenait dans la forêt qu'il savait désertée par ce temps, à la recherche du chat qu'il nourrissait régulièrement. La pauvre bête au pelage noir avait encore été repérée par le concierge qu'il savait mesquin...il était donc particulièrement inquiet.
Le rouquin remonta un cache-nez beige qui le protégeait des intempéries et plissa les yeux en tentant de rechercher une petite forme sous les bois.
Rien du tout, merde. C'était à croire que le chat était retourné à l'état sauvage et en avait assez de rôder aussi près de l'orphelinat. Il entendait pourtant bien Strong râler à son sujet, il était forcé qu'il soit dans le secteur, forcé. Soupirant, il sortit une boîte de conserve de sa poche droite, l'ouvrit puis la posa au pied d'un arbre. Il s'agissait de thon, si le chat était dans le coin, il ne devrait pas mourir de faim.
Une fois sa tâche réalisée, Thorn revint vers l'orphelinat, presque un sourire aux lèvres, plus de bonne humeur que les autres fois. Pourvu qu'il aille bien, se disait-il alors qu'il franchissait la porte d'entrée pour retirer quelques livres de son casier...c'était sans compter sur Muninn et sa réactivité.
En moins de temps qu'il ne lui en avait fallu, Thorn avait été poussé dans les escaliers de la cave et manqué par deux fois de se casser la gueule et de s'exploser le nez par terre. Par il ne savait quel miracle, il sortit de ce guet-apens indemne, mais jurant tout de même en direction de la concernée qui l'avait traîné ici pour...Pour cette histoire débile de Baby Crow ? Il ne comprenait pas vraiment ce qui était important, mis à part que si il la dénonçait à la direction, il se vengerait un bon coup, mais ce n'était même pas drôle.
Non, l'air un peu de ne pas y croire, Thorn regardait Muninn avait un mélange de pitié et d'incrédulité dans le regard. Il ne comprenait pas, pas du tout. Il se savait en position de lui réclamer des choses, des vêtements, de l'argent, peut-être des secrets, mais honnêtement, il n'en avait rien à faire. Les deux premières choses, il en avait à ne pas savoir quoi faire et la dernière...La dernière, il s'en foutait pas mal. Il n'était pas homme à manipuler ses condisciples, lui aimait la paix et qu'on le laisse tranquille, ce qui revenait au même.
« J't'ai pas menacée par message, putain...Je t'ai juste dit que je savais et que si moi je sais, d'autres pouvaient sans douter ! », il tenta de lui faire lâcher son bras, grimaçant un peu car la poigne de sa camarade était plus forte qu'il ne voulait se l'avouer. « Je veux rien du tout, juste que tu me foutes la paix ! Arrête de créer des rumeurs sur moi, j'ai vraiment reçu des couches alors que putain J'ME SUIS JAMAIS PISSE DESSUS PUTAIN !! »
C'était bon, d'un geste brusque, il avait réussi à se défaire de la prise de la fille, chancelant un peu à cause de la rudesse de l'effort, puis se rattrapant à une des étagères de la cave. Maintenant qu'il y pensait, il avait rarement été dans le sous-sol, la laverie mis à part. Ça sentait un peu l'humidité et les vieilles caisses. Quelques conserves pas encore entamées étaient réparties sur les étagères et devaient sûrement contenir d'éventuels futurs goûters.
Le rouquin prit une respiration soudaine et revint à Muninn.
« T'as compris donc ? Et j'apprécie Huginn. Je ne vois pas pourquoi j'irais lui faire du mal aussi. Et réfléchis putain, t'es un génie ou ? Quel avantage j'aurais à te dénoncer ? ...Putain, t'es vraiment pas maligne, tu ferais mieux de lancer des fausses pistes, ça te ferait gagner du temps. »
L'expression "pourparlers" désigne une série d'échanges écrits ou verbaux entre une ou plusieurs personnes formulés au cours d'une période précontractuelle.
A ce stade la position affirmée par celui qui cherche et celui qui est en mesure de faire l'offre correspondante, ne contient aucune obligation de conclure un contrat.
Muninn fixe Thorn avec un regard incrédule. Ou du moins, elle pense que c’est Thorn. Dans cette pénombre, elle aurait pu être en train de dévisager quatre sacs de patates empilés les uns sur les autres qu’elle n’aurait pas su faire la différence. Quel avantage j'aurais à te dénoncer, qu’il demande. Comme si c’était pas évident. En tout cas, pour Muninn, ça l’est, et c’est pour ça qu’elle a du mal à comprendre le rouquin. Qu’est-ce qu’il y gagnerait à la dénoncer ? Ben, la vengeance ? qu’elle se dit. Parce que pour elle, ça lui vient comme une seconde nature. La vengeance est un plat qui se mange froid, chaud, frit, sauté, et à toutes les sauces, vraiment. C’est ce qu’elle ferait, elle, alors elle n’en attend pas moins des autres élèves. C’est pourquoi elle ne comprend pas la réaction de Thorn, mais c’est pas pour autant qu’elle va lui dire ce qu’elle pense. Pas question de lui donner des idées, on ne sait jamais.
Elle croise les bras, se disant qu’elle avait bien de la chance d’avoir un frère aussi sympa qu’Huginn pour lui sauver la mise dans ce genre de situations, même s’il n’est sûrement au courant de rien. Il avait toujours été le plus raisonnable des deux, de toute façon, alors ce n’est pas plus étonnant que ça. Elle ignore les piques lancés par Thorn sur son intelligence, même si l’envie de l’insulter en retour est forte, elle sait que ça ne mènera à rien.
“T’es vraiment bizarre, comme mec.” elle lance. “Et, même si ça me fait physiquement mal de l’admettre, t’as pas tort.” Si elle ne se mettait pas à lancer des fausses pistes sur son identité, d’autres pourraient la découvrir comme Thorn l’a fait. Et elle sait qu’ils ne seront pas tous aussi sympas que ce dernier avec elle. Elle savait les risques qu’elle prenait qu’en créant les ragots du corbeau, mais elle avait toujours préféré ranger ces possibilités dans un coin de son esprit et ne pas y penser, pour ne pas gâcher le plaisir qu’elle prend à lancer toutes sortes de rumeurs sur ses camarades et créer un peu de drama. Et elle sait qu’elle n’est pas la seule à adorer les scandales, dans cette école, à en juger par les dizaines de nouvelles rumeurs qu’elle reçoit par mail chaque mois. Et c’est pour ça qu’elle est réticente à l’idée de lancer une rumeur sur sa propre personne, même si c’est pour faire disparaître les soupçons. Ce serait comme se jeter dans la fosse aux lions.
“Bien ! C’est conclu !” elle annonce en posant les mains sur ses hanches, reprenant une attitude pleine d’assurance. “J’arrêterai de créer des rumeurs sur toi, si tu me donnes une idée de fausse piste à lancer sur moi sans que ça tâche ma réputation.” Oui, c’est culotté. Mais avec un peu de chance, ça passe.
Cinglé semblait être un mot relativement correct pour qualifier cette fille. Enfin cette fille, l'être qui se trouvait devant lui, du moins, car Thorn ne la qualifiait pas mentalement de fille, mais plutôt d'abrutie, de décérébrée ou encore de troll. Pas ceux qui faisaient leurs repas des types un peu échauffés sur internet comme lui, mais les vrais trolls, qui vivaient sous la lumière de la lune.
Bref, ce n'était pas peu dire à quel point il considérait Muninn en ce moment, la seule chose la sauvant encore était son lien fraternel avec Hug', comme il l'avait dit un peu plus tôt. Le cerveau de la fille aux cheveux roses avait l'air de travailler à toute vitesse pour trouver un moyen, un seul tout petit moyen, pour ne pas se griller en tant que Baby Crow. Pour Thorn, la solution était toute trouver, mais il appréciait, pendant quelques petites secondes, la regarder en train de galérer de la sorte.
Et puis ensuite, plongeant une main dans ses cheveux et soupirant, Thorn se lassa. Il secoua la tête et se dit qu'il avait sûrement autre chose à faire que de regarder une meuf en panique le supplier, car oui, malgré les menaces, il était assez évident que Muninn le suppliait, qu'elle avait peur pour ses fesses.
Lui-même n'aurait jamais pensé qu'il se retrouverait en sa compagnie dans une cave austère qui avait sûrement déjà servi de décor pour un meurtre pour le club de cinéma – si ce club avait existé un jour – et décida, plutôt que de regarder le nez de Mun', de se prendre soudainement de passion pour le décor. Remarqua soudainement qu'un des bocaux était une grenouille dans du formol et s'en approchant, secouant le bocal pour vérifier que c'était une vrai.
Sans doute.
« Je sais même pas comment tu as fait pour entrer ici. Oublie ton idée tout de suite, elle est conne. J'aime pas tes piques, mais si tu arrêtes, on saura que je sais quelque chose. Baby Crow doit rester neutre, pas de préférences. Non, on doit brouiller les pistes, semer le doute sur son identité, semer des faux indices comme tu as semé le vrai sur Castor. Tu piges ou... ? »
Il secoua pendant un instant la grenouille puis mécontent de ne pas arriver à ouvrir le bocal, la reposa à sa place. Il avisa vers le fond un tas de vieilles couvertures posées là et se dit qu'il irait sûrement les récupérer si jamais il avait froid la nuit.
« Et crois pas que ça me fasse pas chier de t'aider, et j'fais pas ça parce que tu m'fais peur ou chais pas quoi, c'est juste que... », il soupire, « même si ça me fait râler, ça leur fait du bien, ils décompressent un peu, les autres, quand ils voient ça. Je suis pas con, je sais que tu fais quelque chose d'utile. »
Thorn détourna le regard, légèrement rouge, largement même, shoota dans la terre comme si elle était soudainement devenue passionnante, ses mains occupées cette fois-ci à s'enrouler dans ses cheveux. Le temps lui parut soudainement long, alors qu'il pensait à ce que Hume pouvait ressentir en lisant ses messages. Enfin les prochaines fois, car elle n'était pas beaucoup sur Internet. Que ça pourrait lui faire du bien, une pause agréable. Que même eux, dans le top 10, ils en avaient besoin.
L'expression "pourparlers" désigne une série d'échanges écrits ou verbaux entre une ou plusieurs personnes formulés au cours d'une période précontractuelle.
A ce stade la position affirmée par celui qui cherche et celui qui est en mesure de faire l'offre correspondante, ne contient aucune obligation de conclure un contrat.
Comme dirait Denis Brogniart: AH. Soudainement, Muninn ne sait plus quoi dire, ni quoi penser, bien trop choquée par ce qu’elle entend sortir de la bouche de Thorn. Elle l’observe jouer avec une grenouille dans un bocal, s’occuper les mains et fuir son regard en lui répondant. Serait-ce… de la gentillesse ? Thorn m’a dit un truc gentil ?! s’étonne-t-elle, comme si l’impossible venait de se réaliser. Enfin, ça devrait pas être si étonnant que ça, si ? Thorn devait bien être sympa avec certaines personnes, après tout. Mais elle n’aurait jamais pensé qu’il puisse un jour être gentil avec elle.
Et du coup, elle se retrouve bien con, Muninn. Parce qu’elle est du genre à préparer ses répliques dans sa tête avant de les sortir, et elle avait préparé toutes sortes de piques prêtes à être lancées sur le rouquin. Sauf que là, elle n’avait plus de raison de les sortir. Elle aurait pu essayer de lui répondre d’un ton moqueur, en lui disant qu’il était devenu doux comme un agneau, mais à quoi bon ? Contre toute attente, Thorn était non seulement en train de l’aider, mais aussi en train de complimenter son travail. Alors qu’elle s’était moquée de lui dans son mail. Pour une vengeance stupide. Ah. C’est Muninn qui se sent stupide, maintenant.
Mais ça, pas question de le montrer. Alors elle essaie de reprendre ses esprits et une expression neutre, même si elle a du mal à croiser le regard du rouquin, maintenant. “Donc t’es en train de me dire que je devrais juste continuer ce que je fais, mais en semant des faux indices par-ci par-là ? Même si je dis des trucs sur toi ou sur tes potes ?” elle demande en s’éclaircissant la voix, les yeux fixés sur cette grenouille coincée dans son bocal. Qu’est-ce que ça foutait là, en plus ? Elle espérait juste que c’était pas ce genre de chose qu’on mettait dans leur assiette à la cafétéria. Quoi que ça ferait un bon article dans le journal de l’école, au final.
Mais Muninn sait qu’elle oublie quelque chose, et même si c’est une chose qu’elle a beaucoup de mal à dire, dans ce genre de situation ça reste la moindre des choses. Son tic la reprend, et elle se met à se mordiller les lèvres, jouant à son tour avec ses cheveux. “Et euh… merci. De m’aider. Malgré ce que j’ai dit sur toi.” elle réussit à sortir, à peine plus fort qu’un murmure, en espérant qu’ils changent rapidement de sujet. C'est pas vraiment l'excuse que Thorn aurait mérité, mais c'est déjà un effort de dingue, venant de Muninn.
Il soupira avec un petit borborygme parce qu'il ne savait faire que ça. Il n'était pas du tout le genre de personne à prendre un franc sourire et avouer à la personne qui le regardait qu'il était heureux de faire ça.
En plus il se forçait un peu à faire ça, plus pour Huginn qu'autre chose. Aussi pour ses camarades, car, comme il l'avait dit, Thorn appréciait voir le sourire sur le visage de ses amis, pensant à un moment de leur journée à autre chose qu'au classement.
C'était toute sa vie, mais il pouvait bien admettre que ce n'était pas celle des autres.
« Euh ouais. », dit-il tout en tournicotant de plus belle ses doigts dans ses cheveux couleur feu. Il se mordait les lèvres, vraiment gêné, le rouge aux joues et pas habitué d'être aussi gentil.
Gentil et agréable.
« Ouais, putain. »
C'était mieux comme ça, psychologiquement, cette grossièreté le faisait se sentir considérablement mieux ; il releva même la tête et regarda Muninn dans les yeux d'un air combattant, faisant fi du bocal de formol contenant le crapaud posé à côté – qu'est-ce qu'il foutait là, lui, c'était dégueu – et de l'ambiance glauque de la cave.
Si au moins elle l'avait tiré quelque part, dehors, entre deux arbres, ils auraient été tellement mieux. Ici, il ne tenait pas en place, c'était horrible.
« Ouais, c'est ça, sinon ce sera obvious qu'on a trouvé qui tu es. Et tu repères des gens qui ont le profil type pour être le corbeau et tu balances des choses que seulement eux savent grâce à ton réseau d'informateur. Genre cette poufiasse de Five, par exemple. Ou ta coloc chelou, p'tete, elle est tellement bizarre elle que ça pourrait, en vrai. Sinon un mec. Castor a sûrement pas assez de neurones pour faire ça, mais Kitten ou Hector, ça s'pourrait, en vrai. »
Derrière cette tirade, c'était à moitié un compliment en direction de Muninn, à moitié une insulte pour Castor. Que l'un soit capable de diriger ce réseau et l'autre ne puisse le faire, mais ce n'était pas rare pour Thorn qui, malgré le fait de bien aimer Castor, jugeait constamment ses capacités intellectuelles en raison du classement.
D'ailleurs, sans doute était-ce une erreur.
« C'est bon, m'remercie pas ou j'vais croire que j'suis ton messie. J'fais pas ça pour ton bien, crois pas, hein. J'aime pas Nowhere non plus, pas plus que toi, mais je pense que c'est essentiel. Parfois, je suis fatigué aussi, ça me fait du bien. »
Thorn détourna le regard face à cet aveu de faiblesse, puis le contourna facilement d'un signe de la main.
« Tu les as eu où, tes infos, celles pour la laverie ? Comment t'as su, putain ? »
L'expression "pourparlers" désigne une série d'échanges écrits ou verbaux entre une ou plusieurs personnes formulés au cours d'une période précontractuelle.
A ce stade la position affirmée par celui qui cherche et celui qui est en mesure de faire l'offre correspondante, ne contient aucune obligation de conclure un contrat.
Pendant un moment, l’ambiance est tendue, assez embarrassante. Muninn a presque envie de partir en courant, parce qu’elle sent le contrôle de la situation lui filer un peu plus entre les doigts à chaque seconde qui passe. Et Muninn déteste ne pas savoir où elle met les pieds. C’est bizarre, parce qu’elle a pas l’habitude d’être sympa avec Thorn, et elle a pas l’habitude qu’il soit sympa avec elle, mais qu’est-ce qu’elle est censée faire ? Muninn est du genre à s’acharner sur les gens, certes, mais pas sans raison. Et là, elle a plus rien. Puis Thorn lâche enfin un putain, et Mun retient un petit rire soulagé parce que voilà, ça c’est le Thorn qu’elle connaît. Là, la situation est plus familière.
Elle l’écoute lui donner des conseils en hochant la tête, notant la pique lancée envers Castor. Déjà, Muninn admet s’être trompée sur Castor, et l’avoir jugé un peu vite. La gamin est définitivement plus intelligent que ce qu’on peut voir au classement. Mais surtout, elle pensait qu’ils étaient copains comme cochons, Castor et Thorn. En tout cas, ils étaient complices quand elle les a pourchassés comme une furie lors de leur dernière sortie à Cambridge, alors elle pensait qu’ils étaient proches. Peut-être pas, au final.
J’aime pas Nowhere non plus qu’il dit, Thorn, et Muninn se mord les lèvres pour se retenir de répondre. Il n’a pas besoin de savoir qu’en plus d’être favorable à la cause de Nowhere, elle a carrément rejoint la team de Hook. Il n’a pas besoin de savoir qu’elle ne rêve que d’une chose, mettre le feu au classement. Alors elle laisse ça passer en hochant la tête, peut-être un peu moins convaincante. En tout cas, elle ne s’attendait pas à cet aveu de vulnérabilité de la part de Thorn, et elle relève le regard, surprise. Tout le monde sait pourtant qu’il vaut mieux éviter de montrer ses faiblesses à Muninn, parce qu’elle n’hésite jamais à les utiliser à son avantage pour se venger. Personne lui a dit ça, à Thorn ? Mais bizarrement, elle le comprend. Elle aussi, elle est fatiguée. Jouer Baby Crow, c’est l’occasion pour elle d’oublier tout le reste pendant un moment. D’oublier le classement, les examens ratés et la recherche impossible de la perfection qu’elle refuse d’abandonner. Mais c’est pas pour autant qu’elle irait avouer ses faiblesses, elle a une certaine réputation à maintenir.
Quand Thorn mentionne l’incident de la laverie, elle fronce les sourcils et réfléchit. Elle ne se souvient pas de l’origine de chacune de ses rumeurs, mais c’est Huginn qui lui apprend 90% de ses informations. Elle ne se souvient pas de si celle-là en particulier venait de frère ou d’ailleurs, mais elle n’était pas prête à balancer son frère. Plutôt crever. Surtout qu’elle sait que lui et Thorn s’entendent plutôt bien, et Muninn refuse de gâcher ça. La machine tourne rapidement dans sa tête, cherchant un mensonge crédible. Elle se rappelle avoir entendu quelque part que le rouquin avait une dent contre les élèves de première année, et décide de s’en servir à son avantage.
“C’était un groupe de gamins qui en parlaient dans les couloirs. Des premières années. Et comme je t’avais déjà aperçu filer vers la laverie en pleine nuit, je me suis dit que c’était vrai.” lui raconte-t-elle en le regardant droit dans les yeux, car tout le monde sait que les menteurs ont le regard fuyant.
En y repensant maintenant, cette rumeur la fait beaucoup moins rire. Quand elle l’avait lancée dans le mail de Baby Crow, elle était très remontée contre Thorn, alors pour elle c’était le truc le plus hilarant du siècle. Mais maintenant que sa rancœur disparaît petit à petit, cette rumeur ne lui laisse plus qu’un certain goût amer dans la bouche. Elle ne sait pas si elle le regrette. Elle ne regrette pas grand chose, d’habitude. Mais elle n’avait jamais pensé au fait que si cette rumeur était véridique, alors ça cachait sûrement un mal-être chez Thorn.
“Je dis que pas que ce truc de la laverie est vrai,” elle commence en tapotant ses ongles contre le bocal où la grenouille est retenue prisonnière. “Mais si ça l’est, euh… Ça va ? Parce que c’est pas drôle, comme incident.” elle regarde rapidement Thorn, histoire qu’il sache qu’elle s’adresse bien à lui et non à la grenouille. D’habitude, elle ne lui poserait pas cette question, mais elle avait décidé de considérer la cave comme un endroit coupé du monde extérieur, une poche dimensionnelle où Muninn n’était plus Muninn ni Baby Crow, juste une humaine s’adressant à un autre humain, et que tout ce qui se disait dans la cave resterait dans la cave.
Muninn, ça fait penser à Mummy ; et pourtant, ce n'est pas pour autant que j'ai envie de me glisser dans ses bras.
Et la laisser.
M'apaiser.
Que ce soit un groupe de gamin qui l'ait dénoncé ou non, ce n'était finalement pas si grave que cela. Thorn grognait, mais ça cachait quelque chose de bien plus grave.
« Nan, c'est pas drôle, comme incident. »
Il ne la regardait pas dans les yeux, il avait tourné la tête, elle ne voyait pas l'éclat de honte qu'il avait au fond de ses pupilles, le malaise qu'elle avait déclenché par la simple force de ses mots, ses poings qui s'étaient légèrement refermés depuis un moment.
Thorn n'aimait pas ça. Il n'aimait pas être seul avec Muninn, parce qu'il avait l'impression que depuis quelques minutes maintenant, il était mou, impotent et incapable de savoir ce qu'il voulait. Parce qu'il était en train de lui dérouler sur un tapis toutes ses faiblesses une par une et qu'elle s'en servirait sûrement pour mieux le détruire.
Il s'en éloigna encore de quelques pas, tentant de retrouver ses forces pour ne plus avoir l'air d'un nounours à la guimauve.
Agir.
Lui répondre sèchement comme il le faisait d'habitude.
« Enfin ça ne te regarde pas ! », baragouina-t-il. Voilà, il avait retrouvé un semblant de compétence, il la fusillait même du regard, maintenant qu'il avait réussi à la regarder en face. Muninn était bizarre, elle avait un petit nez chelou et des cheveux rose chewing gum étaient tout sauf naturel. Pourquoi avait-il pensé un seul moment au fait qu'il pourrait être gentil avec lui ? Ou son ami ?
« Dis à quelqu'un ce que nous nous sommes dits ici et je te casse le bras, OK ? ...Et pour le corbac, tu fais comme tu veux, fais pas la conne juste et mets pas des fausses pistes sur des gens qui pourraient pas l'être. Crow, Georges, même Sun, ça pourrait être crédible. »
Il la dévisagea de nouveau, pour mieux retenir son visage, qu'il ne la loupe pas lorsqu'ils joueraient à la balle aux prisonniers, puis laisser échapper un petit « tsk » qui n'avait pourtant rien de menaçant si on prenait en compte l'aveu de faiblesse qu'il avait fait un peu plus tôt.
« Je dégage. Attends quelques minutes pour sortir à ton tour pour sortir, ça me ferait chier que Baby Crow nous accuse de choses lubriques. », petite pause, « OH. Mais c'est toi, ça va en fait ! »
Il lui adressa un joli doigt d'honneur, la bouscula et sortit comme il était arrivé, frustré d'avoir perdu autant de temps, de s'être dévoilé aussi facilement.