{ heaven

See, See…

C'est étrange.
Comme Heaven donne l'impression d'avoir toujours été là.
D'avoir toujours fait parti du décor de l'orphelinat.

Il glisse, glisse entre les arbres, les buissons et la cabane. Laissant toujours derrière lui cette atmosphère dont lui seul a le secret. Ses traits neutres et ses comportements étranges font partie du décor et on l'aime bien, ce gardien.
Pourtant, il est également silencieux. Silencieux de son passé. Avare en mots. Heaven est cryptique, occulte. De ces gens mystérieux, dont le livre reste toujours un peu dans une autre langue.

Derrière cette apparence presque féminine, il cache une aura sombre, l'ombre d'un corps sculpté et le brouillard de yeux trop obscurs pour être réels. Heaven, malgré son statut d'ancien, effraie. Quelque part, il parait mort. Et peut-être même un peu plus lorsqu'il s'énerve.
Cette sensation vient certainement de cette rage qui lui serre constamment le cœur. Comme une bombe, effleurer son cœur et le voilà qu'il explose. Il reste morne, mort, celui qui a trait aux sinistres, mais offre volontiers de sa colère à ceux qui harcèlent, écrasant leur sentiment de supériorité en une bourrasque de vent violent.

C'est étrange.
Comme on pense à Heaven lorsqu'il s'agit de Prisme.
En omettant toutefois que son regard noir est souvent tourné vers cet orphelinat si, si spécial. Ce même regard qui, d'ordinaire, n'accorde d'attention à rien ni personne.

Exactement.
De ses yeux mi-clos et de cette voix si traînante et si souvent basse, Heaven donne l'impression que tout l'ennuie, l'importune. Pourtant, derrière ce regard imposteur, il juge et juge tant les autres. Il les évalue à l'aide d'un code moral particulièrement rigoureux et qui lui est propre.

Dès lors, on dépeint de lui un tableau fait de couleur froide. Du bout de son âme jusqu'à les extrémités de ses pieds.
Au détour d'une ruelle, on croise alors un gigantesque homme aux jambes interminables et surtout, au regard hypnotisant que ce soit sans ou avec l'artifice de ses lentilles. On voit les contours d'un cœur sans fin, aux formes délicates et aux fines subtilités. Bien loin de certaines vertus nébuleuses comme le courage ou l'humilité, il fait preuve de tempérance et d'un sens de la justice nettement défini.

C'est donc dans l'ombre qu'il s'épanouit. Loin des étincelles de la gloire, l'extravagance lui répugne, la discrétion l'attire.
On retrouve cependant un charisme indéniable qui éclaire son passage, certainement accentué par une hygiène de vie irréprochable et par ses cicatrices, vestige d'un temps qui parait si lointain. Pour certains, elles accentuent le mystère qui l'entoure et pour d'autres, elles participent à cette image d'homme brut, parfois violent.

Le laconisme de Heaven devient alors évident. De toute façon, lorsqu'il daigne ouvrir la bouche, il est fait de phrases sèches.
Et alors, on le préfère silencieux.

opinion sur le classement et sur nowhere : Petit, lui aussi s'est demandé à quel point il était intelligent et lui aussi eut l'impression d'être insignifiant, médiocre. Naturellement, Heaven prend foncièrement en pitié ces enfants qui n'ont rien connu d'autres. Quelque part, il se sent privilégié parmi l'élite.  
Nowhere devient tout à coup son terrain de jeu.

The story that never end

ville et pays d'origine : origine et pays inconnu. quoiqu'un accent qui supposerait l'Inde.

Ce jour-là, la mer était calme. Et, au centre de ce paysage si spécial, il y avait un iceberg. Lorsque l'on y pense, il ne s'agissait que d'un énorme glaçon. Les deux explorateurs avaient naturellement ressenti le besoin de s'attaquer à ce gros morceau, grimpé tel des colons sur leur terre. Les deux aventuriers se sont fait happer par la mer, escamotés par le froid et le poids de l'iceberg. Après tout, les glaçons bougent, tournent au rythme de leur envie. Comme pour les prévenir du danger, les chiens restés sur le bateau hurlaient à la cadence des vagues soumises par la force du choc. L'un sauta même pour les rejoindre.
Il mourra quelques minutes plus tard.

Un coup de fil avait annoncé la nouvelle. Il n'y avait eu aucune chaleur, on avait simplement déclaré en quelques mots les faits sans une réelle volonté de transmettre ses condoléances. Comme une annonce que l'on verrait dans les journaux, on le lui avait dit : « Vos parents sont morts. Salutations distinguées. » On n'avait pas pris le temps d'approfondir le regretté événement. En réalité, il n'y avait même pas de dates, seulement un épais brouillard, de ceux qui enveloppe tout : cœur, tristesse et surtout rage.

Dès lors, Heaven passa quelques années par suivre les pas de ses parents. Lui aussi, il voyagea à travers le monde, toujours dans des lieux plus reculés, plus arides que le précédent. Lui aussi connut le sentiment qui les obsédait tant ; il le comprit même.
Pendant un temps, il fut heureux. L'adrénaline que le procuraient ses expéditions lui suffisait. Le danger parvenait à faire taire ses traumatismes, ses supplices et ses plus sombres souvenirs.

Seulement ;
au fond de lui ;
dans les recoins les plus sombres ;
quelque chose toquait constamment dans sa tête. C'était désagréable, dérangeant et inutile. Au début, il était simple d'ignorer ce sentiment. Puis il devint plus fort, plus puissant jusqu'à même l'empêcher de dormir quelques fois. Et alors, petit à petit, il finit par le considérer. Comme s'il cherchait à éviter la folie.

Et ;
ce fut à travers l'embrasement de ce sentiment que l'on y lira sa pensée : Heaven ne répond qu'à un seul fondement, la fin justifie les moyens. Naturellement, il finit donc par s'affranchir de toute vertu, de toute morale dans sa recherche de la plus grande efficacité. Il ne s'agissait plus pour lui de savoir ce qui était juste mais de ce qu'il fallait faire.

Un monstre est un écart par rapport à « l'ordinaire cours des choses ». Il est considéré comme un signe divinatoire ; il montre de façon ostentatoire quelque chose. Il peut également être une marque : la monstruosité se fait alors miracle voire merveille.

Aujourd'hui, le ciel est agité.
Ces années futiles renaissent lentement dans son esprit tandis qu'il lit minutieusement la lettre qu'il vient de recevoir. Pour tout dire, il n'y a pas beaucoup de mots. Elle lui rappelle le coup de fil qu'il avait reçu, plus jeune. Beaucoup plus jeune.

Il s'agit d'une invitation à un mariage. C'est un sentiment étrange, intemporel et le voilà qu'il se surprend à se souvenir, à rêver.
Plus les années passent et plus sont envie de parler se tait. Il n'est plus l'enfant éloquent qu'il était autrefois. C'est devenu un adulte aigri, amer, de ceux qui n'ont aucune envie d'être vu, reconnu ou même de faire de grandes choses.
Et, cette lettre le lui rappelle.

Georges était un charmant homme, l'un de ceux avec qui il avait partagé ses voyages.
Toutefois, ce n'est étrangement pas la tristesse qui l'envahit à la lecture de cette lettre : ce sont les regrets. Il a fait un choix, ce jour-là en postulant pour son métier actuel et il n'y a plus aucun retour en arrière possible. Il se rend alors parfaitement compte de la folie qui l'habite.

Après tout, qui choisirait le chaos à la passion de la quiétude et de la tranquillité ?
Heaven la fait.

Il a choisi de ne pas être heureux.
Cette lettre le lui rappelle.
Cette lettre le lui rappellera tous les jours.

comment êtes-vous arrivé ? Heaven ne fait pas partie de l'élite. Il est celui qui la sert. Ce n'est qu'un jardinier parmi tant d'autres aux mains et au cœur peut-être un peu écorchés par son passé. Il a seulement postulé, comme n'importe quel jardinier le ferait.