Deux jours plus tard. De nouveau, le trio se rejoint tard dans la nuit. Cette fois-ci, ils décident de prendre en otage la cabane.
scène 1
Georges, Increpito, Knight
Georges : Vos gueules. Increpito : T’espères que ton crush va se pointer avoue ? (Il sort une bouteille.) Pitié, faites qu’on voit pas sa sale gueule. Knight : Moi, je veux voir Georges perdre contenance, ne pas savoir quoi dire, rougir et bégayer. Ça ferait ma semaine. Georges vise sa tête avec son sac : Quoi, ce que tu fais avec Fever tu veux dire ? Knight évite à la dernière seconde. Increpito porte la bouteille à ses lèvres : Il faut que vous arrêtiez de crusher sur des vieux. Knight : Les plus jeunes sont trop cons. Georges : J’approuve. Knight : Je m'en doutais. (Œillade à Georges.) Increpito : Vous êtes épuisants. Georges : Du coup ! (Sort l’entretien n°10.) Ça. Il faut qu’on reparle de ça. Knight : Pourquoi "il faut". C'est quoi l'obligation ? Increpito : Non. Si tu les avais lus, tu comprendrais le sens d’obligation. Knight : J'ai lu le dernier. Enfin, Ghost m'en a fait la lecture. Georges s'énonce à toute vitesse : Je me questionnais sur l’envergure de l’influence de Backup. C’est une thématique qui revient souvent, le fait que Backup tient tout l’institut dans le creux de ses mains. C’est simplement en rapport avec sa position de leader ou avait-il d’autres moyens de pouvoir et de pression sur les autres pensionnaires ? Comment se déroulait les dynamiques d’influence à l’époque de l’ancien directeur ? Le classement permettait-il encore plus de privilèges qu’aujourd’hui ? Knight : Askip, on a la vie facile. Increpito : Quelle chance nous avons. Plus sérieusement, je me demande si l’influence de Backup est réelle ou supposée. Il est fait mention de plusieurs influences : celle auprès d’Autumn, de Fever, ou de manière générale. Est-ce que chacune n’est pas à relativiser ? Knight : La perception et l'influence de chacun fluctue selon le moment. Et le mec ne semble pas impressionné du psy. En fait, il s’en bat les couilles des autres. Georges : En même temps si y avait aussi des boloss en son temps, normal qu’il ait ses priorités bien définies. Increpito : D’ailleurs, c’est quoi vos théories sur sa relation avec Autumn ? Les entretiens nous offrent deux visions totalement différentes, avec cette question d’influence en spectre. Georges : Je peux répondre à cette question mais seulement si vous m’assurez ne pas me juger après-coup. Knight : On te juge déjà. Ça ne changera rien. Increpito : On ne fait que ça à longueur de journée. Georges : Wow. Cimer la team. Bref. Je suis chasseur de tête des Sats. Pour recruter des gens, il faut les mettre en confiance. En arrivant à l’institut, la plupart sont intimidés par beaucoup de choses, se sentent seuls ou autres symptômes craignos. La première chose à faire est donc de les rassurer et de leur donner certaines cartes en main pour qu’ils s’ouvrent. À partir de là, la socialisation est plus facile si on apparaît comme un mentor ou autre. Vous situez où je veux en venir ? Knight : Backup était son parrain ? Increpito : Ils sont de la même année. Backup s’est imposé à lui comme une figure de référence, et de ce fait a disposé d’une influence symbolique sur Autumn ? Georges : Merci Pepito. Increpito : C’était mon point de vue au départ. Puis sont arrivées toutes ces histoires de relations romantiqalcooues. C’est plus sur ce niveau-là que j’ai du mal à savoir ce qui est vrai ou faux. Knight : Ce devait être nocif comme relation. Un truc abusif où il y a une personne en position d'autorité. On sait tous que c'est mauvais. Georges : Je pense qu’il y a une part de vérité autant chez Autumn que Backup. Je veux dire, triangle de Karpman. Ensuite, la signification des choses est relative à l’intérêt qu’on leur porte. Pour finir, si Backup a senti que son emprise sur Autumn se relâchait, il s’est peut-être dit que cette carte le ramènerait à lui. Les mails, vous vous souvenez ? Knight : Pensez-vous que Backup utilisait Autumn pour gagner de l'influence ? Vous avez dit vous-mêmes que le kid avait des parents haut placés. Georges : Si t’avais daigné ne serait-ce qu’à jeter un œil à mon mail, c’est très exactement ce que j’énonçais. Noir sur blanc. Mais bon, tu ne lis que ce que tu veux apparemment. Increpito prend des notes : C’est très intéressant. Pour ceux qui se mettrait du point de vue d’Autumn, Backup apparaît vraiment comme un antagoniste. Ce que je comprends moins, c’est que le message de nowhere à Mrs M. est signé Backup. Pourquoi quelqu’un qui semble s’être complu dans une relation aussi malsaine chercherait aujourd’hui à préserver sa mémoire ? Knight : Parce qu'au fond, il l'appréciait ? C'est un thème récurrent en littérature. Puis, ça met M en mauvaise posture. Personne a confiance en elle. Pourquoi pas en ajouter une couche ? Georges : Je rejoins l’autre concernant la madone. Par contre, pour notre martyr, je pense plutôt qu’en fouillant son passé, on fouille également le passé de l’institut. Et c’est surtout ce qui doit compter. Backup se montre antisystème dès le début, pourquoi changer cette opinion maintenant ? Increpito : Sauf qu’elle n’était qu’une simple professeur à l’époque ? (Il réfléchit.) J’ai entendu des gosses faire le lien entre Backup et Hook, pour le côté antisystème d’ailleurs. Georges : Bruh. Plausible qu’ils soient en contact si leurs revendications se rejoignent mais j’en sais pas plus. Knight : Wait. Je dois aussi lire l'info de Hook maintenant ? Increpito : Non c’est juste Gg qui aime son chef. Georges : J’ai.. vous savez que j’ai rejoint Nowhere pour le côté pratique de la plateforme en premier lieu ? Ce qui s’est passé par la suite n’est que purement fortuit. Increpito : Nous débattrons un jour de l’identité de Hook, parce que quand je vois les débiles de Prisme, je suis toujours étonné que ce ne soit pas toi. Georges : Je m’en fous littéralement du classement et de la méritocratie. Comment pourrais-je être Hook. Increpito : Tu aimes taquiner le bas-peuple. Georges : À raison. Knight : T'y mets trop d'énergie. Georges : Car c’est divertissant. Et puis, je veux pas dire mais ton exe fait pire. Knight : Regarder Lib'lol et Jump s'enfoncer des pailles dans le nez est tout aussi divertissant selon certains. Et Mun fait ce qu'elle veut. Elle le dit assez souvent qu'elle est jeune et indépendante. Increpito : Toi et tes histoires de filles, ça n’arrête jamais. Knight, blasé : Qui a dit que c'était que des filles… tu veux faire partie de mes conquêtes ? Georges récupère la bouteille des mains d’Increpito et boit longuement. Increpito rigole : Tu sais bien que c’est mon rêve le plus fou. Knight : Alors je t'attends sur le toit demain soir, darling. Increpito lui fait un clin d'œil charmeur : Avec plaisir. Gg ne vide pas ma bouteille s’il-te-plaît. Georges repose la bouteille à contre-cœur : Elle était déjà à moitié entamée. Fais pas genre que ça sera de ma faute. Knight : Je ne comprends pas comment vous faites pour boire ça. C'est du lave-glace de mauvaise qualité. Increpito : Libre à toi de nous payer de l’alcool de meilleure qualité. Peut-être que comme ça, tu arriveras même à mettre l’autre dans ton lit. Je te sais prêt à tout. Georges, Knight : L'autre ? Increpito : Georges ! J’avoue que ça prête à confusion, il y a plein de personnes que tu parles de mettre dans ton lit. Knight : Aaaah, il faut du champagne pour ça. Enfin. C'est ce qu'il m'a dit. Georges : Ou du vin. Knight : Le plus cher possible. Increpito : Gg, pourrais-tu avoir la gentillesse de te sacrifier pour la cause ? (Il bloque.) Attends, pourquoi tu me payes pas en alcool moi ? Georges : Quelle cause. Knight : Tu veux pas de mon argent. Et mon argent paie l'alcool. Increpito : Mon taux d’alcoolémie. (Attrape la bouteille et boit en grommelant.) Oui, donc Backup. Georges : T’as qu’à faire soirée avec les 8e. Je connais pas encore toute l’ampleur de leurs réseaux mais ils assurent à chaque fois.
Georges : Et ouais, Backup. C’est un bâtard expert en manipulation, quoi d’autre ? Increpito : Ouais, pas besoin d’être un génie pour comprendre qu’il l’a manipulé. La question que je me pose, c’est jusqu’où est-il allé ? Knight : Pensez-vous qu'il l'a poussé à se suicider. Sérieusement ? Georges : Je suis mitigé. Si Autumn lui servait encore — ou aurait encore pu lui servir —, alors il aurait plutôt tenté de le garder en vie. Sans utilité et avec éventuellement un savoir relatif sur certains sujets, sa mort aurait pu être plus bénéfique. Mais allez définir ce genre de choses... Increpito : C’est ultra chaud comme accusation en vrai. Vous pensez que Prisme aurait laissé faire une chose pareille ? Je veux dire, qu’ils l’auraient laissé vivre sa vie après ça ? Knight : Hum, ça fait très 13 Reasons Why. Mun m'a obligé de regarder, je précise. Georges : C’est pour ça que je vous ai demandé de ne pas me juger. Mais bon, puisque vous le faîtes déjà constamment, j’imagine qu’on peut juste se dépêtre de notre linge sale maintenant. Et pour l’orphelinat, j’ai juste envie de dire qu’on aurait pas eu nos rénovations et nos nouvelles installations si ça avait été su de l’oligarchie donc.. soit ça a été couvert par l’institut même, soit ça a été empêché mais le fait est qu’un élève a fini suicidé et qu’on le sait que maintenant. (Fixe le vide un instant.) Y a trop de trucs. On a besoin d’une mind map. Knight : Les services sociaux seraient aussi moins enclins à envoyer des kids déjà troublés dans un pensionnat s'il y a des élèves qui se suicident. Increpito : Sauf que les services sociaux font un travail désastreux quand Prisme a le pouvoir de cacher ce type d’affaires sensibles. La preuve, c’est ce qu’ils ont fait. Georges : Et les services sociaux ont pas besoin de le savoir. En vrai, peut-être que Backup a fini traqué ou surveillé. Mais si on revient à son message.. (Sort son cellulaire.) “C’est que parfois, ils se taisent.” Peut-être que son silence a été forcé et que cette histoire ressort précisément aujourd’hui car la pression est retombée ou qu’il a vu une faille ? Knight : Il a peut être besoin d'un truc. Qu'il a de nouveau besoin qu'on achète son silence. Increpito tend ses notes à Georges : Tu sous-entends que Backup serait coupable et victime ? Georges les récupère et y jette brièvement un œil : Je dis juste qu’il y a eu conséquences à ses actes et qu’il en a écopé. D’une façon ou d’une autre. Un électron libre pareil relâché en pleine nature ? Impossible qu’il n’y ait pas eu praxis. Knight : Vous pensez qu'il a été bien placé après le pensionnat ? Ou qu'on l'a éjecté ? Increpito : L'entretien numéro 10 laisse penser qu'il a été bien placé à sa sortie. Mais là encore, rien n’est sûr. En fait, une seule personne serait capable de nous répondre, et je doute que Knight ait envie de lui demander si un de ses amis a poussé l’autre au suicide. Knight : Je pourrais questionner Fever sur les impacts du suicide sur Backup. Car ta question implique qu'on accuse Backup et sauf des spéculations, nous ne sommes pas certains à 100%. Increpito : Justement, j’insinuais qu’il faudrait demander confirmation, ou une preuve du contraire. Knight : Tu réalises qu'une réponse positive est considérée un meurtre au second/troisième degré ? Increpito : J’ai pas pris droit en spé. Knight : Ça a fait les news… une personne a poussé une autre au suicide et a été accusée de meurtre. Georges : Pepito a déjà du mal à utiliser un ordi, tu penses vraiment qu’il mate la TV ? Increpito : Je dis juste que les meurtriers ne sont pas toujours condamnés, de toute façon. Et c’était il y a dix ans, et si les preuves sont la parole de Fever, je donne pas cher du juge qui voudrait les lui tirer. Knight : Les journaux papier existent toujours, c'est de son époque. Georges : Les journaux c’est de la merde. Tu sais que c’est politisé, hein ? Que l’info est filtrée ? Knight : Georges… tout est politique. Même Nowhere. Georges : Non mais j’ai l’impression que des fois tu.. yakno. Increpito : Parce que la bourgeoisie n’est pas politisée, elle. Knight soupire : Pour PP, je me cite : Tout est politique. Dans tout, il y a la bourgeoisie. Increpito : Oui mais certaines plus négativement que d’autres. Knight : Certes Mister communiste. Increpito : Alors non, mais il ne serait pas pour me déplaire de te voir pleurer ta fortune. Georges : En vrai. Putain, j’en reviens pas que je dise ça mais qu’est-ce qui nous empêche de— Heaven va me tuer. Qu’est-ce qui nous empêche, là tout de suite, de fouiller cette cabane. Knight : Heu, t'es suicidaire toi aussi ? Tu veux qu'on aille voir Red ensemble pour en discuter ? Increpito : Je peux vous défendre si Heaven se pointe. J’ai très clairement pas fini de lui régler son compte. Georges : Bien sûr. Et finir à deux doigts de la mort encore une fois. Et non mais, je suis sérieux.. la cabane est rarement déserte donc c’est une.. je dis pas que je connais son emploi du temps mais je connais son emploi du temps. Vos gueules. Increpito boit une gorgée : Déjà, c’était pour défendre ton honneur. (Se lève.) Bon, on commence par où ? Knight se lève aussi : Ayé. "Tu connais son emploi du temps". Georges : Un savoir fortuit… YAKNO. Knight : Sure. Pour le croiser de manière fortuite. Évidemment. Georges : Totalement. Dans le plus grand des hasards, lorsque les étoiles et les planètes s’alignent. (Se lève à son tour.) Increpito : Tu es désespérant. Knight : Un jour, tu seras peut être adéquat pour lui. Georges : Non. Je ne l’espère pas. J’ai besoin de passer à autre chose. Il le sait et en joue d'ailleurs, c’est assez terrible. Je suis dans une situation assez terrible. Je suis Autumn et il est Backup, eesh. Knight : C'est un projet de pièce de théâtre pour les Saturnes. Increpito : As-tu des envies suicidaires ? (Il croise les bras.) Et après, on critique que je veuille frapper ce mec, vraiment Gg t’abuses. Georges : Ça règle rien les rixes. Enfin — pas dans ce genre de situations. Et tu te mets à risque. Non. Tu nous mets à risque. Increpito : Je me disais bien que tu étais trop inquiet pour ma personne. Je comprends mieux, tu as peur qu’il ne fasse plus attention à toi en fait. Knight : Je préfère qu'on m'oublie. Déjà que lorsqu'on nous voit les trois ensemble, on nous compare à Tolkien et ses amis. Georges : Non, il ne peut pas ne faire attention à moi. Récemment j’ai.. qui nous compare à Tolkien et ses amis ? Knight : J'ai entendu la fille de 8e. Blonde. Elle a embrassé Maelstrom à la dernière soirée. Increpito se rassoit en attrapant sa bouteille : Qu’on approuve ou non cette comparaison, c’est la preuve que tu es parfaitement bien en notre compagnie. Même si je pense qu’il nous faudrait un trio plus iconique. Knight : Idem. Toutefois le “plus iconique” ne nous ressemble pas. Increpito : Tu parles de Autumn, Backup et Fever ? Knight : Heu… les Trois Mousquetaires ? (Dit en français.) Increpito : C’est donc ça que tu lis à la place des entretiens ? Knight : C'est un classique. Pas le meilleur, Dumas a un style que j'aime peu. Et pour toi, il y a même des films d'animation. Increpito : Puis-je te rappeler que, de un je sais parfaitement lire. De deux, je suis en spé philosophie, on nous oblige à lire des livres. Knight : Oooooh je suis impressionné. Georges : Y a des gens en spé criminologie ici ? Knight : Littérature et botanique. Georges : Non mais ça je sais, je parle des autres. La masse. Les pensionnaires. Bas-peuple. Increpito : Botanique. Mais sérieusement, botanique. Qui prend comme spécialité s’occuper de plantes. Knight : Tu veux t'adresser à la plèbe ? (Feint la surprise.) Increpito : Mais quelle idée farfelue. Georges : Si la plèbe a une spé en criminologie, je veux bien m’y résoudre. Knight : J'en connais une… mais tu ne l'aimes pas. Georges : Cette décérébrée fait… wow, on en apprend décidément tous les jours. Knight : Crimino et droit. Alors, je te conseille d'être de son côté. Georges : C’est pour ça qu’elle est aussi chiante. D’accord. Knight : Elle est passionnée. Ce n'est pas de ma faute si t'es allergique à l'énergie des autres. Increpito : Justifiable face à tant d’ennuis. Georges : Bien sûr. C’est moi qui suis allergique à l’énergie des autres. Knight : Je suis allergique à l'insignifiance et la débilité. Increpito : Comment fais-tu pour te regarder dans le miroir ? Georges : Comme il vient de dire.
Knight fait un finger : J'vous emmerde. Me tenir avec vous est une thérapie d'exposition prolongée. Askip, ça aide. Georges : Bouhouhou. Pauvre de toi. Increpito : Mince, ça veut dire que notre rendez-vous sur le toit fait partie de ta thérapie ? Et moi qui te croyais sincère, tu me brises le cœur. (Fait mine de se recevoir un coup en pleine poitrine.) Georges : J’espère que tu t’en sortiras et que tu parviendras à vaincre ton TSPT et ton anxiété journalière de devoir vivre dans un monde aussi merdique que le nôtre. Knight : C'est un combat de chaque instant. PP, tu es mon projet humanitaire. Désolé que tu l'apprennes ainsi. Increpito : Allonge la thune alors. Georges : Make it rain babyyy. Knight : Nop. Tu l'as refusé. Comme t'avais dit ça : Garde ton argent de sale bourgeois. Increpito : J’ai jamais refusé les cadeaux. Une ou deux palettes de bouteilles, rien que ça. Knight : Tu vois, la réponse reste la même : Nay. Georges : Je suis sûr que Red dirait qu’il faut savoir être au-dessus de ces petitesses d’esprit et apprendre à être plus aimant et aimable avec son prochain. Knight : Je déteste mon prochain. Increpito : On est au courant, merci pour cette intervention brillante Knight. Knight : Vous semblez parfois l'oublier. Georges : Ce n’est qu’une impression faussée de ta part. Si tu étais un peu plus doué dans la communication avec autrui, tu capterais probablement mieux les subtilités de la socialisation… mais bon, le garçon a déclaré détester son prochain donc que pouvons-nous réellement faire dans ce cas de figure-ci. Increpito : Approuver et lui donner une médaille ? N’est-ce pas ce qu’il attend ? Knight : Je déteste les médailles. Increpito : Qu’est-ce que tu ne détestes pas à la fin ? Georges : Fever. Knight : Les romans et la poésie. Increpito : Alors, peut-être peux-tu écrire à Fever un roman en vers pour qu’elle nous aide à trouver la vérité sur l’affaire Autumn. Georges s’esclaffe comme une hyène. Knight dévisage Georges : Il devient fou ? Increpito : Ou réaliste sur tes capacités cognitives, au choix. Georges : Il est in.. incapa.. (Reprend son souffle.) INCAPABLE ! D’être sincère et direct dans le simple procédé de poser une seconde question. On a littéralement pris une heure la dernière nuit. Un roman ??? Il a le temps de se réincarner neuf fois ! Increpito explose de rire à son tour. Knight : Je rappelle que je tiens à mon amitié avec Fever. Increpito : On a compris à la longue. Knight : Alors me brusquez pas. Je suis un être fragile qui nécessite du temps pour vivre une émotion. Increpito s’étouffe en rigolant, incapable de reprendre son souffle : Fra. Gile. Georges : Je suis abasourdi que tu puisses faire preuve de lucidité sur ton cas. Increpito se contrôle : Il a dit fragile, face aux émotions. Mais- Fais quelque chose Gg. Knight : Attendez, je devais avoir l'air triste à la fin de ma phrase. (Les regarde avec une fausse tristesse.) Increpito : Tu veux qu’on appelle Fever pour te consoler ? (Aime être lourd.) Georges : Non, attends. J’ai besoin de voir jusqu’où peut mener cette fausse métamorphose kafkaesque. Knight : J'atteins ma limite. Increpito : Déçu. Georges : Et choqué. Knight : Maelstrom vit les émotions pour deux. Increpito : Vu ton retard, je ne suis pas sûr que cela soit suffisant. Georges : Exceptionnelle façon de nous annoncer votre relation mais, soit. Knight : On est pas fait pour être ensemble. Amis ouais, couple non. Georges : Car ça a été testé ? Increpito : On veut les détails. Tous les détails. Knight : Aucun détail par respect. Et Georges, devine pourquoi Wally m'a dit que je n'étais pas une catin. Increpito : Déçu, de nouveau. Georges : Ah, ça.. après, il est pas très drôle ce type. Tu devrais le virer. Knight : C'est plus compliqué que ça. Bref… vous fouillez ou pas ? Georges : J’ai repris mes esprits. Même si l’idée de me faire assassiner par Heaven est tout à fait charmante, j’ai encore trop à faire pour accepter si vite le trépas. Increpito : Je pense- (S’arrête en plein milieu de sa phrase.) Georges désigne Increpito d’un mouvement de tête : Comment on le reboot ? Knight : Donne-lui de l'alcool. Increpito attrape la bouteille lui-même et boit : Je pense que nous devons avancer avec méthode. Quelle information est-il nécessaire de confirmer pour mieux comprendre l’affaire ? Voilà ce qu’il faut se demander. Georges : Si Autumn était véritablement suivi, les acteurs composant ce "ils" qu’il ne cesse de ramener dans ses entretiens ou dans ses mails, les intentions de Backup quant à l’émergence de cette affaire, son épilogue, les mobiles ayant poussés Autumn au suicide.. Beaucoup de choses, en somme. Et il est déjà (Accorde une oeillade à son écran.) 4h28. C’est cool, on est cools. Increpito : Et il nous reste que deux questions. Knight : Donc Backup ne veut pas être le seul blâmé. Est-ce que connaître les différents acteurs est suffisant pour poser la question à Fever ? Georges : L’un des mystères reposerait sur Backup et une histoire de blâme à partager ? Bof. Après tout, l’agent dit bien que le siège entrevoyait tenants et aboutissants de, je cite, "ce qu’il a fait" et la menace de le terrer sous silence définitif dans le cas où il ne se montrerait pas coopératif. D’ailleurs, l’agent dit la même chose concernant Agamemnon. L’une des questions qui me taraude actuellement serait de savoir depuis quand le gouvernement gardait un œil sur le trio et jusqu’à quel extrême. Increpito : Vu leur place au classement, ils devaient être particulièrement surveillés. Après, on a jamais réussi à savoir à partir de quel âge on devient réellement intéressant pour le gouvernement, ou quelle année. Georges : Honnêtement, ça doit être relatif au sentiment d’urgence qui parcourt le pays d’obtenir de nouvelles recrues. Mais concernant ce "ils", si Agamemnon n’appliquait pas avec rigueur le secret professionnel, peut-être que la surveillance d’Autumn était exécutée par des bugs pour s’assurer d’avoir sous radar leur protégé et de prévenir des agissements à risque. Étant donné son instabilité. Knight : Je comprends toujours pas pourquoi on a voulu le recruter si le mec n'a pas le profil. Je comprends l'urgence nationale, mais même s'il était prem' au classement, il reste un flan mou. Et vous penser que "ils" surveillent encore les pensionnaires ? Increpito : Pour vous, ce "ils" fait forcément référence aux services secrets ? Je veux dire, c’est plausible. Je sais que Knight n’aime pas écouter les rumeurs mais celle-ci semble avérée. Par contre, vous pensez réellement qu’ils s’amusaient à suivre Autumn à longueur de journée ? Chaud s’ils n’avaient que ça à faire. Georges : Je veux dire, l’entret— (Son écran de téléphone s’allume. Y jette un œil.) Knight, tu respires pour moi ?
Knight : What the fuck mate, j'suis pas con, j'ai pas besoin qu'on me rappelle de respirer. Muninn ouvre brusquement la porte : Bonsoir bitches. Increpito tend la bouteille à Muninn : J’adore ton maquillage Mun, toujours aussi fabuleuse. Georges écarte leurs affaires pour accueillir la nouvelle venue au sein de leur cercle : T’en as mis du temps. Knight, tu respires du coup ? Knight regarde Muninn, puis les garçons : Je… Pourquoi vous me faites ça à 4h du matin ? Muninn attrape la bouteille et se fait une place parmi eux : Il n’y a pas d’heure pour te faire chier, si ? Knight : Visiblement. Vous préférez que je quitte ? (Fait un mouvement pour partir.) Muninn : Non reste, sinon il n’y a plus rien de drôle. Bref, je suis venue pour l’alcool de base, mais vous parlez de quoi ? Increpito : On résout l’affaire Autumn. Knight : On essaie de résoudre... Georges : Étant donné ton oreille absolue concernant les bruits pouvant parcourir les murs de l’institut, j’me suis dit que t’aurais peut-être des trucs sympas à partager ? Muninn : Des trucs sur Autumn j’en ai entendu un tas. Par contre, c’est très probable que ce soit un ramassis de conneries. J’ai même entendu une histoire qui impliquait des aliens, pour vous dire. Increpito : Persuadé que ça vient d’un abruti de chez Mars. Knight : On fait appel à ton intelligence Mun pour trier les histoires de complots du plausible. T’es sûrement capable de faire la différence. Muninn : Les seules choses plausibles, c’est des choses qu’on sait déjà. Du style Autumn s’est sûrement suicidé, le psy était pas net, tout ça. Vous avez trouvé autre chose, vous ? Knight : On a la confirmation qu’il s’est suicidé. Georges : Backup, leader des Mars. Dernier gars des entretiens qui est un agent gouvernemental. Il nous reste deux questions à poser à Fever mais les pistes et points d’ombre sont tellement nombreux qu’on a du mal à réduire nos possibilités. Increpito : On se demandait s’il ne fallait pas essayer de se concentrer sur les acteurs. Dans l’entretien numéro 5, il y a la mention de ce "ils" qui interpelle énormément. Knight : On connait pas les raisons qui ont poussé Autumn à s’enlever la vie. On peut deviner, mais aucune confirmation. Muninn : Autumn avait l’air pas mal parano dans ses derniers entretiens, non ? C’est peut-être ça qui l’a poussé ? Knight : Certes, pourquoi était-il aussi parano ? Ils le suivaient… Toutefois pourquoi on le suivait ? Le suivait-on parce qu’il était parano ? Tu vois la loop qui se forme ? Muninn : Ah ouais, le cercle vicieux quoi. On sait pas qui est ce "ils" qui le suivait ? Georges : Déjà, une chose. Est-ce que ce "ils" qui le suivait correspond également au "ils" qui le moquait et dont il craignait l’ascension au classement ou s’agit-il de deux "ils" complètement différents ? Increpito : En gros, est-ce que ce "ils" correspond à des élèves, et donc peut-être à Backup et d'autres, ou est-ce que ce "ils" est relatif aux services secrets comme on le pensait ? Knight : Vous pensez que Fever sait ? Muninn : Sait quoi ? Pour les services secrets ? Knight : Pour le "ils". Georges : Dur de savoir. Il y a ce qui est dit dans les entretiens et ce qu’il en est en coulisses. Dans les entretiens, elle ne le prend que our un pauvre type paranoïaque donc.. soit c’est une couverture et elle est complice, soit elle n’en sait rien. Increpito : Elle avait pas répondu à Knight qu’il était l’un de ses meilleurs amis ? Donc elle doit forcément savoir. (Il attrape la bouteille vu que Muninn dort dessus.) Complice de quoi ? Du suicide ? Georges : Complice de sa dégénérescence mentale. C’est du gaslight, là, ce qu’ont fait Backup et Fever. À tort ou à raison, on sait pas, mais ne pas croire un pote et lui dire qu’il délire, c’est pas ouf comme move ? Muninn : Ouais, "un de ses meilleurs amis" mon cul. On pourrait lui poser la question directement, mais on est certains qu’elle nous répondra la vérité ? Knight : Non. Et si oui, c’est sa vérité. Muninn : On n’est pas bien avancés, donc. Mais leur relation est très louche. Increpito : La piste est intéressante, ça rejoint celle qu’on avait sur la responsabilité de Backup. Knight : On assume donc que Backup et elle sont responsables ? Muninn : Oh wow, ça devient bien plus lourd comme histoire d’un coup. Mais si c’est vrai, pourquoi ? Georges : On assume rien du tout, on établit une hypothèse. Quant aux raisons… l’ancien régime de l’institut ? Increpito : Ancien régime que je suis content de ne pas avoir connu. Mais c’est vrai que c’est une raison valable, je suppose que ça devait amplifier l’esprit de compétition. Knight : Nonobstant la pression que vivait le mec, pourquoi en faire un cas ? Pourquoi nous lancer sur son suicide ? Il doit pas être le seul ? Pourquoi nous, élèves actuels, nous impliquer ? Muninn : Parce que c’était le premier au classement peut-être ? S’il y avait eu d’autres élèves qui se sont suicidés on en aurait entendu parler non ? Knight : Oh, parce que les gens au haut du classement sont plus importants ? C’est moi le bourgeois ici ? Increpito : Oui, c’est toujours toi. Georges : Mais le plus bon des bourgeois. Increpito : Et le plus généreux. D’ailleurs, en parlant de générosité, tu sais que nos réserves d’alcool descendent très rapidement ? Knight : Buvez moins. Georges prend un air faussement offusqué et d’une façon exagérément théâtrale. Increpito : Non. Sois juste plus généreux. Knight : Faut attendre le mois prochain. J’ai plus de blé. Muninn manque de s’étouffer de rire. Georges :Quoi. Increpito : Comment ça, plus de blé ? T’es friqué comme personne ici et tu me sors l’excuse t’as plus de blé ? Faux frère. Knight : Mon fonds de survie mensuel est HS. Muninn : Tape dans le compte épargne alors. Knight : Wally ne voudra pas. Georges : Voilà la pire tragédie de ce soir. Increpito : De notre vie tu veux dire. Knight : Non, la pire tragédie de votre vie est la coupe de cheveux de GG l’année dernière. Georges : Ça ne compte absolument pas. J’avais perdu un pari. Knight : Les photos n’expliquent pas le contexte. Dans 10 ans, les futurs élèves regarderont ta coupe et te jugeront ad vitam aeternam. Increpito : Ou ils jugeront les photos de classe d’un bourgeois entouré de gosses à peine pubère ? Muninn : Parce que vous pensez vraiment que ce bahut sera encore là dans 10 ans ? Georges subtilise l’alcool des mains d’Increpito pour y boire une longue gorgée sans demander son reste. Knight : Clairement. M va pas laisser le pensionnat mourir pour une histoire de suicide. Increpito : D’ailleurs, concernant le suicide, j’ai une théorie. Et si, la différence avec les supposés autres suicidés, c’est qu’il serait mort durant sa scolarité et non après ? Parce qu’il est clair qu’il n’est pas allé jusqu’au bout. Muninn : Ça se tient. Soit ça, soit c’est le seul cas qui a fuité. Knight baille et considère le moment opportun pour sortir son verre isolé rempli de thé : Que d’autres aient ajourné leur vie, c’est si important ? Ok, je sonne comme un merdeux sans empathie… Georges, reposant la bouteille : Tu es un merdeux sans empathie. Muninn : Dis-nous un truc qu’on sait pas. Increpito : Après, au risque de prendre la défense d’un abruti qui boit du thé alors qu’il est 4h passé et qu’on a de l’alcool, il n’a pas tout à fait tort. Je veux dire, l’important est de résoudre l’affaire Autumn, pas de s’intéresser à toute la misère du monde. Georges : Je pense que le fait que Fever et Backup aient respectivement occupé une place importante, à savoir Leader de Venus et de Mars, a joué son rôle dans la visibilité de son cas. Celui d’Autumn, j’entends. Knight : Et que Backup est resentful as fuck. Il semble pas être le mec à avoir apprécié son séjour ici. Muninn : Vous pensez qu’il y a de la jalousie là-dessous ? Ils étaient tous les trois dans le top du classement, mais Autumn était premier. Knight : T’en connais un rayon sur la jalousie… tu dois être en mesure de l’identifier. Muninn : Bouhouhou, bois ton thé au lieu de dire des conneries. Georges : Stop. Increpito explose de rire et montre la bouteille à Muninn : L’écoute pas, les bourgeois n’ont pas de cœur, c’est connu. Knight : Il est fait de pierre. C’est différent. Muninn reprend enfin la bouteille, constate qu’elle est bien entamée : Je comprends mieux la Révolution française maintenant. La guillotine et tout ça. Georges : Si Backup et Fever tenaient vraiment à se débarrasser de l’ancien régime, alors Autumn aurait représenté un parfait martyr pour leur cause. Peut-être était-ce la raison même pour laquelle Fever le poussait à bout tout en justifiant en parallèle la passivité de Backup fasse à son éternelle position de "second". Knight fusille son ex du regard, mais reconnaît l’effort de Georges pour calmer le jeu : Il faut d’abord être martyr pour devenir héros. Increpito : Ils l’auraient poussé à bout en partant du principe que ça peut permettre de blâmer le système ? C’est intéressant, mais ça pose de réelles questions, car de ce fait ils sont complices ? Georges : En vrai meuf.. t’as des pistes concernant l’identité de Hook ? Muninn : Quelques unes, mais rien de concret. Il laisse peu de traces derrière lui, clairement un pro. Georges : Pro genre.. complice de Backup. Nan, c’est pété. Je sais pas. Knight : Je rappelle que ça signifie les accuser de meurtre. Muninn : On fait qu’émettre des hypothèses pour l’instant, rien n’est prouvé. Knight : Je sais que ce n’est qu’une hypothèse. Toutefois, poser la question a Fever… c’est nope. C’est réellement la limite que je ne franchirai pas. Increpito : Sérieux mais tu gaves. Tu en as pas marre de mettre en péril l’enquête juste pour pas heurter une bibliothécaire ? Knight : Arrête avec tes propres fantasmes. Je vais mettre ça sur la faute de l’alcool, mais clairement t’as l’esprit embrouillé. Increpito : Non, j’ai conscience de la gravité de ce qu’on avance. Mais imagine que ce soit vrai, je ne dis pas qu’il faut l’ébruiter, mais j’ai besoin de savoir, pas toi ? Knight, soupire : J’ai besoin de repos. Le besoin de savoir, c’est que vous qui le ressentez. Increpito : Alors envoie un message. Trouvons une formulation, je sais pas ? Georges : Sinon on peut antagoniser Backup jusqu’au bout et considérer l’option que Fever est également l’un de ses pions. L’arrogance dont il fait preuve lors de l’entretien n°10 sur son habilité à faire en sorte que la masse lui mange dans la main est assez éloquente, je trouve. La question maintenant serait de savoir si cette arrogance était justifiée ou non. Knight : On a trouvé plus merdeux que moi. Bref. Soit qu’on s’intéresse à Backup en mode "Comment il était ?" ou on demande "Qui sont les acteurs dans la mort de Autumn ?". La seconde option ne pointe personne. Muninn : Ça peut être intéressant de demander directement des infos sur Backup. S’il était vraiment si arrogant qu’il en a l’air, ou si ce comportement était réservé au psy. Increpito : Je suis d’accord avec Muninn. Je vote pour la question sur Backup. Georges : Then let’s fucking go.
Knight sort son téléphone, puis le range. Muninn : Ben alors ? Knight : Dites la question, je vais la lui envoyer à une heure raisonnable. Increpito : Envoie maintenant. Il est 5h, ça passe, non ? Knight : Nay. Georges : Envoi programmé. Fais pas chier. Knight : Envoi programmé ? Georges : … T’es sérieux, là ? Knight le regarde, encore plus blasé. Georges : On est en 2021. Tu peux programmer l’envoi de tes messages. C’est magique. Knight : Que je programme ou je l’envoie plus tard, il y a aucune différence. Georges : Si, celle que tu te défiles ou non. Knight : Pourquoi me défilerais-je ? Georges : À toi de nous le dire. Increpito : Tu sais très bien pourquoi. Knight : Nay, éclaire-moi. On a convenu de la question, j’vais la lui poser. Juste, plus tard. Increpito soupire et attrape le téléphone de Knight pour envoyer lui-même le message. Il ouvre la conversation et se met à rigoler très fort. Knight après avoir tenté d’empêcher Increpito de lui dérober son téléphone : Ta gueule. Increpito : "Excellente question Knight. Je suis réellement fière de toi." Tu nous avais caché ça. Knight : Pour éviter que vous vous enfliez la tête. Muninn tente d’attraper le téléphone de Knight : Montre, montre ! Increpito montre le téléphone à Muninn : Vraiment extraordinaire comme échange, n’est-ce pas ? Bon, j’envoie quoi ? Knight voit un message de Maelstrom popper : Hum. J’aimerais, en premier lieu, récupérer mon téléphone. Georges : Une connerie en mode "Ayant côtoyé Backup au cours d'une majeure partie de votre vie, comment l'auriez-vous décrit durant sa scolarité ?" ou qu’importe du même acabit. Vas-y au talent. Knight : Faudrait pas préciser qu’à la lecture des entrevues, nous pensons que le mec joue pas franc-jeu ? Georges : Personne joue franc-jeu lors des rendez-vous. Pourquoi préciser ? Knight : Juste pour démontrer qu’on s’est coltinés l’ensemble des interviews. Georges : Ta volonté de marquer des points est respectable mais ce n’est peut-être pas le moment le plus pertinent pour le faire. Surtout que tu précises un "on" dont je ne souhaite pas faire partie dans les faits. Increpito : Est-ce qu’en plus(is ce n’est pas totalement contre-productif ? Je veux dire, ne serait-elle pas déçue que tu aies envisagé de ne pas les lire ? Knight : Je pense qu’elle est surprise que je m’intéresse au truc. Muninn : Vous partez loin. Un message court et précis suffit. Georges : C’est l’alcool. Increpito : C’est Gg. Georges : Tes grands morts, oui. Increpito donne le téléphone à Muninn : Tiens, envoie la question toi. Knight : Non ! Please. C’est mon téléphone et elle est mon exe. Muninn, après avoir tapoté brièvement sur l’écran : Trop tard, c’est envoyé.
Comment décririez-vous Backup durant sa scolarité ? (www)
Muninn : Pas besoin d’en rajouter des caisses. Georges : Et puis, il faut savoir tourner la page. Increpito : Pour notre santé mentale, oui, s’il-te -plaît. Knight : GG parle pas. Tu ne laisses personne toucher à ton téléphone. Tu deviens enragé. Georges : Normal. Je suis pas un kassos qui ne sait pas que les messages programmés existent en 2021. Knight : Je vous déteste profondément. Et j’aimerais beaucoup avoir mon téléphone. Mae m’a envoyé un texto. Georges : On t’éprouve similairement, t’inquiète même pas. Increpito : Tu nous fais la lecture ? Knight récupère son bien : Ouais, elle vous emmerde de me garder éveillé. Georges : Et on l’encuuuule. Knight : Tu lui diras en même temps que lui poser la question de crimino. Georges : NP.
Georges, Increpito, Knight, Muninn — Une demi-heure plus tard. Réception de la réponse de Fever.
mon très cher knight, ravie de voir que tu t'intéresses désormais à mon à mon bien-aimé backup. la question que tu me poses est loin d'être facile. comment décrirais-tu la perfection, toi ?
backup a toujours été un roi. il est le seul chez qui je reconnais une once d'excellence, le seul être capable de se surélever de la nullité ambiante. le seul que je pouvais tolérer à mes côtés aussi. tu me demandes comment décrire backup, la vérité est que je suis incapable d'être pleinement objective. il a été pour moi un véritable ami à un niveau que tu ne peux pas comprendre.
j'ajoute qu'autumn ne l'a jamais mérité. autumn qui a tant espéré. c'était si ridicule de le voir quémander à longueur de temps la moindre attention, de le voir souffrir face à tant d'espoirs réduits en poussière. backup avait cet effet sur les gens faibles. ça le faisait rire, ça nous faisait rire. mais tous les jeux ne sont pas pour tout le monde, n'est-ce pas ? (www)
Knight fait la lecture du texto : C’est lourd. Georges, sortant de sa somnolence passagère : Je— the fuck. Increpito : J’ai besoin d’alcool. Mun, la bouteille. Knight : J’aime pas ce que je lis. J’ai besoin d’air en fait. (Knight se lève et sort.)
Georges tapote doucement le bras de Muninn : Sors de ta torpeur, Princesse. Fever a répondu. Muninn, qui émerge de son semi-coma : Quoi ? Qu’est-ce qu’elle a dit ? Increpito récite le message. Muninn : C’est quoi ce bordel. Georges : Du coup. Fever, pion ou complice ? J’aurais tendance à assumer les deux à la fois. Mais ça serait peut-être dédouaner ses fautes et alléger son impact sur la situation. Muninn : Un pion qui se pense complice, peut-être. Dans tous les cas, ça me donne envie de gerber. Increpito : C’est grave. Georges : Les émois à part, ça donne effectivement une nouvelle perspective à l’affaire. Increpito : En tout cas, elle est complice. Même si elle a été manipulée, elle reste complice. Muninn : On peut donc assumer avec certitude qu’elle et Backup ont entraîné le suicide d’Autumn ? Georges : Il serait complexe de partir dans une autre direction. Qui se porte volontaire pour repêcher le Big Softie qui zone dehors ? Increpito : Après, est-ce qu’on peut les tenir comme seuls responsables ? Là est la question. (Il se lève.) Je crois que je m’y colle. (Il sort.) Muninn : T’es un vrai.
Georges, s’allongeant sur le parquet : Je pense qu’il faille également penser sous un autre angle. On a tout ce débat sur Nowhere : des sacrifices doivent être effectués pour mener à bien un objectif précis. C’est si cocasse qu’on en revienne à ce sujet, vrai de vrai. Muninn : Des sacrifices je veux bien, mais là on parle d’une incitation au suicide quand même. Il me semble que peu importe l’angle sous lequel on regarde la chose, ça reste affreux. Increpito : Totalement d’accord. Après, j’ai deux questions par rapport à ça. De un, à quel point ont-ils eu à pousser ? Je veux dire, entre le classement et sa famille. Et de deux, Fever n’a pas l’air très nowhere friendly, donc vous pensez vraiment qu’il y aurait un réel objectif derrière ? Knight est assis, un peu à part : Je… suis d’accord avec Mun sur ce coup. On peut détester les gens. C’est tout autre de les pousser à se suicider. La pression de l’école est une chose. La pression des pairs… Increpito rattrape la bouteille d’utilité publique : La pression des pairs existe et existera toujours, je pense. Tout est une question de dose. Georges : Et de résistance. Tu marches ou tu crèves — c’est usuel, typique, cyclique. La question qu’il reste à résoudre serait de comprendre si Autumn était réellement suivi par le gouvernement ou s’il ne s’agissait que d’une pure fièvre délirante de sa part. Je veux dire, Agamemnon qui répond tout de go "Je vous crois"... Muninn : D’un autre côté, ça ne m’étonnerait pas que cette histoire de gouvernement soit un mensonge monté de toutes pièces par Fever et Backup pour le tourmenter encore plus. Increpito : Là encore, je pense que tout est dans la nuance. La véritable question, c’est à quel point le gouvernement est-il impliqué ? Parce que les entretiens numéro 9 et 10 sont clairs sur ce sujet. Knight : Ça sonne faux. Comme un mauvais acteur. File l’alcool. (Il récupère la bouteille et boit un long coup.) Georges allume son écran pour fait état de l’heure : On a cours dans moins d’une heure, c’est terrible de débattre d’éthique maintenant. Tu dis quoi, le mec spé philo ? Increpito : Qu’est-ce qui compte réellement ? L’action ou la volonté ? Dans tous les cas, cette histoire est bien plus sordide qu’elle le devrait. Georges : Un mec est mort. À quoi tu t’attendais, franchement ? Increpito : Rien. Tu as déjà lu un roman policier ? Je m’attendais au même panel d’émotions. Georges : D’accord. Tu en parleras au psy dans ce cas, concernant cette limite floue entre fiction et réalité. Muninn : En parlant de psy. Red, il a quelque chose à voir là-dedans vous croyez ? Increpito : Red n’était plus à Prisme depuis longtemps quand Autumn s’est suicidé. Knight : Et M ? Backup la pointe. Increpito : Il la pointe elle, en tant qu’individu, ou elle, en tant qu’autorité de Prisme ? Muninn : Ça revient pas au même ? Georges : Pas tant que ça. En tant qu’individu, ce n’est qu’une chienne tenue en laisse par l’oligarchie. Sans offense aucune. Increpito : Pour reprendre les paroles des révolutionnaires en carton de nowhere, le système, blablabla. Georges : Oui et non. C’est sympa deux secondes mais c’est également drôle de penser qu’une génération pourrait.. enfin. Si notre génération était mieux lotie, peut-être. Muninn : Hum. En tous cas, même si Backup la pointe, je sais pas si on peut vraiment croire ce qu’il raconte. Je pense qu’on a suffisamment de raisons pour penser que c’est pas un type de confiance. Georges : N’est-ce cependant pas amusant d’antagoniser un être comme un salopard ? C’est tellement facile. Trop facile. Knight : C’est pas être the big bad guy. C’est criminel. Increpito : Cesse d’avoir une vision aussi manichéenne. Muninn : Tu veux dire que M aurait pu mettre le spotlight sur les fautes de Backup pour dissimuler les siennes ? Knight : Le droit est manichéen. Avec interprétation bien sûr de ce qui est bien versus ce qui est mal. Georges : Pensez ce que vous voulez mais n’avoir que les entretiens et non pas l’envers du décor me rend perplexe. Knight : Et le texto de Fever ? Georges : Et ton désir de lui réciter des vers ? Penses-tu vraiment pouvoir demeurer fécond dans ce desiderata malgré ce qui a été dévoilé ? Ce n’est pas aussi simple ; rien n’est jamais aussi simple. Prends du recul, pitié. Knight : Ok. Ici, on est plus dans la blague, mate. Ouais, c’est drôle de dire que je veux lui réciter des vers, mais ce sont des blagues. Je l’apprécie vraiment. Comme j’apprécie certaines personnes. Mon avis, ouais, est biaisé et je digère mal la nouvelle. Cool ? Alors me cherche pas plus. Okay ? Increpito : Je préférais quand tu n’avais pas d’émotions. Georges : Très bien mais respecte avec la même ardeur mon insensibilité à la situation tant que je n’ai pas pris en compte l’entièreté des paramètres, facteurs et valeurs. Si on se doit de fouler le même terrain, tentons au moins d’être respectueux et compréhensible des modi operandi de son interlocuteur. Je comprends l’ampleur et l’impact du contexte mais si on se doit de résoudre cette affaire, il faille demeurer dans le pragmatisme des choses et mettre de côté nos ressentis personnels. Ou ce n’est que moi ? Increpito : Non, ce n’est pas que toi. Nous nous sommes réunis dans un but précis : résoudre cette affaire pour notre plaisir personnel. La découverte du suicide, l’implication de Fever ou de Backup, ce ne sont que des pièces finalement. Est-ce que nous avons complété tout le problème ? Je ne pense pas. Or, il n’y a qu’à ce moment précis que nous pourrons réellement juger. Et je rappelle que juger n’est pas faire usage du droit qui est une discipline biaisée, empreinte de privilèges. Non, ce n’est pas comme ça qu’on peut déclarer que quelqu’un est bon ou mauvais, car de toute façon, personne n’est foncièrement bon ou mauvais. Knight : Laissez tomber. Continuez votre enquête, dites moi quand vous aurez la troisième question puis qu’on me foute la paix. J’ai pas votre intérêt et je trépigne pas à connaître la vérité. En ce moment, je crains les répercussions de votre enquête sur ma relation avec Fever. Ouais, c’est selfish. Ouais, faut penser au groupe. I don't give a shit. Muninn, qui fixe son fond d’écran depuis plusieurs minutes parce que l’ambiance est devenue lourde : Le contraire m’aurait étonnée venant de toi. Knight : Oh please. Commence pas. Georges : En privé ces joutes verbales, peut-être ? Sinon, pas forcément Knight. Tu fais ce que tu veux. Oui, le groupe mais en fait non. On te force à rien. Tu es là par ta décision et ton consentement et ce sont des choses qui peuvent se retirer. Donc feel free de te retirer quand tu veux. Knight : Fine. (Se lève et quitte pour le pensionnat.)
Increpito : Quel chieur. Georges : Quoi, tu vas le renier pour faire preuve d’une chose qu’il ne fait pratiquement jamais, c’est-à-dire : être synchro avec ses émotions ? Je trouve que c’est rafraîchissant. Increpito : J’ai pas l’habitude justement, alors je trouve ça particulièrement bizarre et inapproprié. Muninn : … Je sais pas si c’est l’alcool qui me fait dire ça, mais je le comprends au fond. Tout le monde n’est pas capable de pouvoir mettre ses émotions de côté dans un cas aussi grave. Georges : La gravité est proportionnelle à la considération que tu lui accordes. Mais j’imagine, oui. Increpito : Ah mais je ne nie pas que c’est gravissime comme situation, juste que pleurer ne ramènera pas Autumn, et je préfère me concentrer sur la résolution de l’affaire. Muninn : Ouais. Je suppose. Plus vite on aura résolu cette affaire, plus vite on pourra démêler nos émotions suite aux révélations sur la vraie nature de Fever. Georges : Dans son cas, je me demande si c’est un déni assumé ou inconscient. Aussi, et encore une fois, l’impact de Backup auprès de son entourage. Car plus que d’une thématique récurrente, il s’agit là d’une problématique à résoudre. Autant pour le suicide, pour l’influence exercée auprès de Fever que l’impact qu’il a pu délaisser derrière lui concernant l’orphelinat. Increpito : Vaste question et trop peu d’alcool restant pour y répondre. (Il attrape ses notes.) Je crois qu’il va falloir remettre de l’ordre dans tout ça. Muninn se relève et époussette sa veste : Et puis surtout, les cours commencent dans pas longtemps. Georges : Envie colossale de sécher. Je vais sécher. Gros, tu me couvres ou tu sèches aussi ? Increpito : Hors de question que j’aille en cours. Georges se relève à son tour et amasse les affaires restantes : Super. J’ai plus qu’à texter Antigone j’imagine. Increpito se lève également : Bonne idée.