Des caractéristiques physiques ?
Ils disent que tu essayes toujours de se faire dispenser pour le sport. On raconte que tu t'es pris un ballon un jour et ça a suffit à te casser le bras. De toute manière, avec le physique d'un enfant de douze ans, c'est pas si étonnant. T'as pas trop de mal à éviter le sport, tout le monde pense que t'es est tout le temps malade. Pâle comme pas possible, puis tu manges jamais rien.  

Je te le dis, ça se voit que tu ne fournis aucun effort. Y'a qu'à regarder tes cheveux, déjà. Tes racines sont plus longues que tes longueurs. Le blond est terni, délavé; les mèches s'emmêlent dans une collection de nœuds que t'as probablement pas démêlé depuis ton arrivée. Et puis ils sont toujours à une drôle de longueur, ni longs ni courts. Ils ont remarqué qu'ils étaient pas vraiment coupés droit, c'est sûr. Ils doivent savoir que tu le fais toi-même. Puis c'est pas comme tu pouvais demander à quelqu'un.

C'est dommage, au fond. Si tu y mettais un peu du tien, tu pourrais presque être attirant. Sous les cernes, tes pupilles dorées te font ressembler à un chat. Presque un beau visage, une peau parfaite si ce n'est pour ton teint terne. Mais "presque" ça suffit pas, et tout ce que je vois, c'est un type qui essaye pas. Le pire à propos de toi, si tu veux mon avis, c'est que t'es même pas assez négligé pour sortir du lot.

Caractère :

C'est bête, parce que t'étais à deux doigts d'être un beau brun mystérieux. T'es presque beau, et presque brun. Le côté mystérieux, on repassera plus tard. Pourtant, tu avais les principales qualités. Pas grand monde te connaît. Quand les gens ne savent pas, ils inventent, ils complètent les trous, et c'est pas toujours fidèle à la réalité. En prenant un peu plus soin de ton apparence, tu pourrais presque passer pour un agent secret avec un passé tragique. Malheureusement, tu as juste l'air bizarre et pas à ta place. Dommage. Je dirais bien que t'as essayé, mais c'est pas le cas.
Le mutisme, ça donne un petit côté ténébreux. Le pire, c'est avec les adultes. T'as accepté d'être traité de tous les noms pour ne pas répondre à un professeur. Plus ils haussent la voix, plus t'as envie de courir. Ça effraie tes sens, te paralyse. Tu hurles dans ta tête à chaque fois. Tu arrives à échanger quelques mots avec les enfants de l'orphelinat, parfois. Ça aide s'ils ont un instrument dans les mains.

Y'a que Lynn qui te calme. Lynn, c'est ton violon. Tu l'as appelé comme ça à cause de la prononciation en anglais quand t'étais enfant, parce que tu trouvais ça drôle. Violin, Lynn. Pour être complètement honnête, celle que tu as à l'orphelinat, c'est Lynn 2.0. La première a brûlé avec le reste, mais t'aimes pas trop y penser. C'est l'orphelinat que tu le fournis, le même modèle que l'ancien. Ce violon, tu avais travaillé dur pour qu'on te l'offre, grimpant volontiers le classement. Après ce cadeau, tu t'es laissé patiemment chuter de plusieurs places. Il n'y avait plus de raison de fournir un effort quelconque.

C'est rare que tu fasses plus que le strict nécessaire. C'est probablement pour ça que t'es au milieu du classement. Tu fais ce qu'on demande, et c'est tout. Après tout, tu sortais pas du lot, tu vas pas commencer maintenant. Pas besoin de dire que tu pourrais si tu le voulais. On n'arrive pas ici par hasard, même toi t'en rends compte. T'es pas bête. Tu t'es spécialisé en mathématiques, après tout. Pas par intérêt quelconque pour la matière. Un professeur t'avait suggéré de le faire, et objecter aurait demandé trop d'efforts. Alors t'as dit oui. Heureusement que tu n'as croisé personne entre temps, sinon tu aurais probablement remplacé la musique par un autre cours.

Toutes tes décisions se prennent comme ça. Refuser, objecter, se rebeller; c'est trop dur, effrayant, presque paralysant. Donc tu le fais pas. T'es docile. Un jour, ça se retournera probablement contre toi. T'as pas de grandes perspectives d'avenir non plus. Loin d'avoir envie de mourir, tu apprécies la routine dans laquelle tu t'es volontairement installé. T'aimes pas le changement. Si ça pouvait être toujours pareil, tu serais heureux.

Pour quelqu'un qui parle si peu, t'aimes bien écouter. T'es pas mauvais, et tu donnerais de bons conseils, si tu pouvais les exprimer fréquemment. Le problème, c'est que tu compatis facilement, trop facilement. T'es aussi du genre à tomber amoureux en quelques regards, à la première attention. Dans ton silence, on t'a parfois cru distant ou méprisant. Mais ce monde - cet orphelinat - tu l'aimes, même si tu sais pas l'exprimer. Il suffirait de savoir lire entre les lignes.


Opinion sur le classement et NOWHERE : Toi, ta stratégie, c'est de te faire oublier. Le classement, tu le laisses volontiers aux autres. Sans rêve particulier, sans objectif à atteindre si ce n'est te fondre dans la foule, les professeurs ne parviennent pas à tirer grand chose de plus que le minimum de ta part. Tu as de la compassion pour ceux qui ne vivent que pour ce classement. Alors que tu réalises les dégâts psychologiques qu'ils peuvent créer, tu soupires; c'est comme ça qu'on atteint ses rêves, il paraît.


NOWHERE, c'est une autre histoire. Tu lis souvent les conversations; t'as probablement plus parlé sur l'extranet qu'en vrai. Certes, c'est pas le record le plus compliqué à battre.
T'es pris d'admiration pour ceux qui veulent révolutionner le système. Tu essayes de te dire que ça te concerne pas, c'est plus simple que choisir un camp. Tu compatis pour ceux qui souffrent du classement. Tes interventions sont plus destinées à protéger et dissuader les élèves prenant des risques, plus qu'à aider la rébellion.

Ville et pays d'origine : En plein centre de Londres, en Angleterre.
Comment êtes-vous arrivé ?Après la mort de tes parents, t'avais bougé du côté de Cambridge, chez ta tante. Tu soupçonnes qu'ils t'aient repéré au conservatoire. Et puis ça arrangeait ta tante, ça se lisait sur son visage.
Autre ?
Parfois, à l'orphelinat, tu y repenses. Tu te rappelles parfaitement de la première fois chez le psychologue. Elle avait de bonnes intentions, tu le voyais bien. Ça ne changeait rien, malheureusement pour elle. C'est pas que tu ne voulais pas parler; tu ne pouvais pas. A chaque fois qu'on te demandait pourquoi, ça paralysait tous tes muscles, verrouillait ta gorge. Tu n'entendais que le battement de ton cœur dans ta poitrine. Ils n'ont jamais déterminé la source de ton mutisme.

Tu l'aimais bien, cette femme. Elle attendait patiemment. Tu balançais tes pieds; la chaise d'adulte qu'ils t'avait donnée était trop haute pour toi. Y'avait un xylophone sur la table. T'as jamais su pourquoi. C'était peut-être le hasard, ou alors, elle avait prédit ta réaction. A un moment, tu as pris les maillets, frappant une des lames de l'instrument.


Quelques semaines plus tard, tu avais un violon dans tes petites mains. C'était une idée de Papa et Maman. Avec eux, tu arrivais à parler. Maman chantait beaucoup, et s'émerveillait à l'idée de pouvoir partager son amour pour la musique avec toi. Papa avait pris une caméra de son travail pour vous filmer. C'était les concerts des Russells, qu'il disait. C'était votre tradition à vous.

Tes parents avaient été surpris de savoir que tu parlais aux enfants du conservatoire quand tes professeurs reportaient chaque semaine ton manque d'enthousiasme et de participation. Papa et Maman comprenaient; ils savaient que tu voulais parler, même si tu n'y arrivais pas encore tout à fait. La musique, c'était une première étape. Ils savaient que tu y arriverais, un jour, à exprimer chacune de tes pensées. Ils savaient que Perseus n'était pas prétentieux, ni méprisant, ni désintéressé.

La suite, tu évites d'y penser. C'était un évènement "tragique", selon tous les journaux. Ce soir-là, les policiers sont venus te récupérer au collège. Tu te rappelles de ce que disait la radio. Appartement brûlé. Pas aux normes. Beaucoup de blessés, encore plus de morts. T'as rien pu dire quand les policiers t'ont questionné. Ils ont fait venir ta famille. Il est comme ça, vous savez. Il veut parler à personne, qu'ils ont dit aux flics. Tu pouvais pas répondre. T'avais trop peur pour pleurer.

T'as jamais pu récupérer les cassettes de vos concerts.